SkicrossFanny Smith: «J’attends toujours de vivre des Jeux normaux»
Le 17 février, jour de l’épreuve féminine de skicross, la Vaudoise devrait disputer ses quatrièmes Jeux olympiques. Pour ça, elle a une blessure à surmonter.
- par
- Florian Vaney
En 2010 à Vancouver, elle est la petite Suissesse, la plus jeune de la troupe, celle que personne n’attend là et qui termine bonne 7e. Quatre ans plus tard, endurcie, elle doit devenir reine à Sotchi. L’épreuve de skicross lui est promise. Dans son esprit, une seule issue. S’ensuit une 8e place. Puis un gros crac émotionnel. «J’ai mis du temps, beaucoup de temps à me remettre.» À six mois des Jeux de PyeongChang, elle décide de tout plaquer. Entraîneur, structure, tout y passe. Elle se mêle à la lutte pour l’or, commet ce qui aurait dû s’appeler l’irréparable mais s’arrache pour enlever le bronze. «J’ai vécu deux finales en une.»
Fanny Smith en sourit. Pour autant qu’ils puissent l’être, elle n’a jamais vécu des Jeux olympiques normaux. Alors comment ceux qui se présentent, d’ici quelques jours à Pékin, auraient-ils pu l’être? Il y a eu cette chute, le week-end dernier au Canada, tandis qu’elle se battait pour une 30e victoire en Coupe du monde. «C’est la première fois de ma vie que mon airbag se déclenche. Maintenant, je sais ce que ça fait», s’amuse la skieuse. Les marques extérieures ne rassurent déjà pas (voir la photo ci-dessous). Le diagnostic interne se veut plus lourd de conséquence: elle souffre d’une lésion à un genou. À un mois des Jeux. Drôle de destin.
Pour l’occasion, l’organisation de l’épreuve canadienne ne s’est pas fait la meilleure des pubs, parfois pointée du doigt pour son parcours jugé dangereux. Fanny Smith dédramatise. «Je suis de l’ancienne école. Je me dresse contre les tracés tout beaux, tout lisses. Maintenant, est-ce que c’était malin de placer un saut juste après le premier virage, où toutes les athlètes risquent d’être côte à côte? Non, vraiment pas. En demi-finale, la situation était similaire et j’ai préféré freiner. Il y avait des risques que ça se passe mal.»
Un combat au jour le jour
Si elle admet volontiers ne plus se souvenir de sa dernière grosse chute avant celle-ci, la Vaudoise a vite délaissé les stigmates psychologiques. Ce qui l’intéresse, c’est se remettre physiquement. Et surtout rapidement. «Je suis à la lettre mon programme de récupération, je fais tout ce que mon physio me dit de faire.» Et elle croise les doigts pour se trouver sur la ligne de départ le 17 février.
Sa situation peut faire penser, pour d’autres raisons, à celle de Patrizia Kummer. Parce qu’elle passe trois semaines à l’isolement dans une chambre d’hôtel chinoise, la Valaisanne, non-vaccinée, n’aura que cinq jours pour préparer sur une planche le slalom géant parallèle des Jeux. Au moins la snowboardeuse est-elle fixée. «C’est difficile d’établir un plan d’action précis. Pour l’instant, il est trop tôt pour remonter sur des skis. Mon vol pour la Chine est prévu le 9», détaille la détentrice de victoires en Coupe du monde, qui promet de donner des nouvelles de son état de santé sur ses réseaux.
Vivre au jour le jour, c’est troquer certains tracas pour d’autres. Lorsqu’on ne sait pas si l’on pourra défendre ses chances sur la piste, la question de la pression prend tout de suite une tournure moins oppressante. Sachant que beaucoup de monde verrait bien une médaille d’or autour du cou de la Villardoue. «Quelque part, je me mets bien assez de pression moi-même. Jusqu’à un stade peut-être malsain parfois. Je travaille là-dessus. Pour performer, j’ai besoin de relâchement.»
Sa grande rivale Sandra Näslund, vainqueur de sept des huit dernières courses, l’a trouvé. Fanny Smith pourrait bien être la seule capable d’arrêter la Suédoise. Au rayon des Jeux paranormaux, ce serait fort.