EnvironnementFaut-il refroidir la planète qui surchauffe?
Des experts estiment que la géo-ingénierie solaire, qui prévoit de refroidir la planète pour lutter contre le réchauffement climatique, n’est pas sans risques.
Les projets de géo-ingénierie solaire pour refroidir la planète font peser des risques de «dégâts transfrontaliers», avertissent une douzaine de personnalités internationales qui réclament un moratoire sur les expérimentations à grande échelle tout en recommandant de poursuivre les recherches. «Les pays devraient adopter un moratoire sur le déploiement des techniques de modification du rayonnement solaire (SRM – «Solar radiation modification») et les expériences à grande échelle en plein air», écrit la «Climate Overshoot Commission» dans son rapport publié jeudi.
«Ce n’est pas une solution miracle»
Cette commission, composée de 13 anciens dirigeants du Pakistan, du Canada, du Niger, de l’Indonésie et de personnalités universitaires, s’est créée dans l’optique de proposer de nouvelles stratégies pour réduire les risques de dépassement des objectifs fixés par l’Accord de Paris. La commission recommande toutefois de soutenir la recherche et l’évaluation du potentiel de la géo-ingénierie, ainsi que de développer une gouvernance juridique transparente, avec des garde-fous environnementaux solides pour les petites expérimentations en extérieur.
Les très rares premières tentatives ont été rapidement interrompues. «Nous connaissons les risques: ce n’est pas une solution miracle», a déclaré à l’AFP Laurence Tubiana, présidente de l’European Climate Foundation et membre de la commission.
Retour en grâce
L’échec de l’humanité à réduire suffisamment ses émissions de gaz à effet de serre à l’origine du réchauffement de la planète a refait naître un intérêt pour la géo-ingénierie solaire, largement rejetée il y a dix ans comme inutilement risquée, mais qui pourrait aider à gagner du temps selon ses partisans.
Différentes méthodes sont envisagées: blanchir les nuages au-dessus des océans en les ensemençant avec des particules de sel marin ou placer des miroirs géants dans l’espace pour réfléchir la lumière du soleil. Mais la technique qui a le vent en poupe consiste à injecter des aérosols réfléchissants, notamment des particules de soufre, dans la stratosphère.
Eruptions volcaniques
Elle s’inspire des effets naturels des éruptions volcaniques. En 1991, celle exceptionnelle du mont Pinatubo aux Philippines avait rejeté des millions de tonnes de poussières et fait baisser les températures mondiales pendant environ un an, en particulier dans l’hémisphère nord.
Mais des voix nombreuses s’élèvent contre les effets secondaires indésirables de telles techniques. «L’injection de soufre dans la stratosphère affaiblit les moussons d’été africaines et asiatiques et provoque l’assèchement de l’Amazonie», écrit le Giec dans son dernier rapport.
Elle risque aussi de remettre en cause la reconstitution de la couche d’ozone qui protège la vie sur Terre des rayonnements ultraviolets mortels, selon un rapport d’évaluation scientifique sur le sujet publié en début d’année.
«La recherche sur les SRM ne doit pas être menée par des entreprises à but lucratif et ne doit pas être financée par des sources ayant un intérêt à maintenir les émissions de gaz à effet de serre», par exemple celles impliquées dans les énergies fossiles, ajoute la commission.
«Le dépassement peut encore être évité»
La réduction des émissions de CO2, de méthane et d’autres gaz responsables du réchauffement de la planète reste la priorité absolue, selon le rapport. «Les risques de dépassement de l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris sont élevés et augmentent», mais «le dépassement peut encore être évité», concluent les auteurs.
En ligne avec les conclusions du Giec et de l’Agence internationale de l’énergie, le rapport appelle également à renforcer les technologies permettant d’éliminer le CO2 émis par l’industrie et la production d’électricité, ainsi que de le capter directement dans l’atmosphère. Mais la commission soutient ces techniques de captage non pas pour permettre une poursuite des émissions de gaz à effet de serre, mais pour que les États ne s’engagent pas seulement à «la neutralité carbone mais à des objectifs de bilan carbone négatif».