Bande dessinée: Le rayon «U» de Jacobs connaît une suite 80 ans après

En 1942, Edgar P. Jacobs doit trouver en urgence une série pour remplacer «Flash Gordon» dans l’hebdomadaire «Moustique», ces histoires inspirées par la BD américaine ayant été interdites par l’occupant allemand. Il imagine donc un ersatz de l’œuvre d’Alex Raymond, «Le rayon U», qui paraîtra dès février 1943. Ce récit mêlant science-fiction et aventure exotique sera sans suite, Jacobs le réalisant plus comme un travail alimentaire que comme une œuvre artistique. Ce n’est qu’avec Blake et Mortimer que l’auteur prendra toute sa dimension.

Si ces deux derniers héros sont (re) devenus des succès de librairie en étant ressuscités par d’autres auteurs après la disparition de Jacobs, pourquoi ne pas également redonner vie à l’univers du «Rayon U»? En fait, cela ne serait pas une idée de l’éditeur, mais une envie du scénariste Jean Van Hamme. Celui qui a donné naissance à Thorgal, XIII ou Largo Winch et déjà scénarisé plusieurs albums de Blake et Mortimer, raconte: «L’éditeur de Blake et Mortimer, Yves Schlirf, a été étonné quand je lui ai parlé de mon projet d’une suite, mais j’ai écrit ce scénario, car cela m’amusait beaucoup. Et je l’ai bouclé très vite, en cinq semaines, alors qu’il me faut plutôt deux ou trois mois pour écrire une histoire».

Car Van Hamme avait été impressionné par ce récit qu’il avait découvert enfant juste après la guerre dans des numéros de «Moustique» que possédait son oncle. Aujourd’hui, il avoue trouver cette BD «kitschissime». «Quand le professeur Marduk est sauvé par ses copains alors qu’il est attaqué par des ptérodactyles, il se contente de leur dire: «Hello!» Je trouve ça fantastique!» Alors, le scénariste l’avoue, il a gardé le même état d’esprit que Jacobs qui a certainement créé «Le rayon U» sans suivre de scénario. Et cela fonctionne.

Cette «Flèche ardente» imagine que la maîtrise du rayon U permet de créer une arme dévastatrice qui va être très convoitée. On retrouve les mêmes personnages, Lord Calder, le Pr Marduk, Sylvia, Dagon ou encore l’empereur Babylos III. Le récit est bien plus simple et plus rythmé qu’un Blake et Mortimer, tout comme la mise en page est bien plus aérée. Christian Cailleaux et Étienne Schréder, qui avaient déjà dessiné le bon «Cri du Moloch», une aventure de Blake et Mortimer scénarisée par Jean Dufaux, parviennent à trouver un graphisme très proche de celui de Jacobs à l’époque. Un côté vieillot qui réussit à ne pas être ringard.

Était-il indispensable de créer une suite au «Rayon U»? La réponse est clairement non. Mais on ne va pas bouder notre plaisir coupable. Cette «Flèche ardente» est très agréable à lire. Et Van Hamme le précise, cette aventure-ci n’aura pas de suite. En parallèle, «Le rayon U» ressort avec une nouvelle colorisation.