CommentaireConseil fédéral 2023, une année pleine de suspense
Décryptage d’une photo de groupe qui n’est pas si innocente que cela.
Sur la photo 2023 du Conseil fédéral, ce qui frappe le plus est la place laissée aux rideaux blancs, et plus généralement au blanc. Les feuilles qui volent sur les têtes (où est reproduit un poème de Ramuz) donnent un air surnaturel à cette ambiance de travail jouée comme une pièce de théâtre. Le président Alain Berset fixe droit dans les yeux la vice-présidente Viola Amherd qui, avec les deux autres femmes, a sacrifié aux codes vestimentaires bleus et gris de ses collègues masculins.
La lumière blanche se reflète dans des verres à vin, qu’on devine remplis d’eau plate. Ils sont à moitié vides ou à moitié pleins, selon que l’on est optimiste ou pessimiste. Guy Parmelin tient ses mains en prière, comme s’il allait intervenir pour apaiser la situation. Ignazio Cassis lève son stylo pour demander la parole, tandis qu’Élisabeth Baume-Schneider utilise le sien pour écrire. Deux têtes dépassent, celles d’Albert Rösti et Karin Keller-Sutter, relevant l’axe majoritaire entre l’UDC et le PLR. Quant au chancelier Walter Thurnherr, son regard se perd de l’autre côté de la table, un peu absent, un peu à l’écart, signifiant qu’il participe aux discussions, mais qu’il ne vote jamais.
Cette blancheur et cette lumière évoquent enfin la transparence. Les rideaux le sont, mais pas trop. C’est le message subliminal de la photo. La transparence pourrait permettre d’éviter les fuites qui ont empoisonné l’ambiance du collège l’année dernière.
Dès que cette photo a été diffusée le 31 décembre, elle a été comparée avec la Cène (1498) de Léonard de Vinci. La référence à l’agencement des personnages autour de la table est évidente, même si leur nombre ne colle pas: 8 pour la photo et 13 pour le tableau. Plus intéressant est que la Cène du peintre italien représente le moment où Jésus dit aux apôtres que l’un d’entre eux va le trahir: «En vérité je vous le dis, une de vous me livrera».
Sur le tableau de Léonard de Vinci, c’est Judas, le troisième à la droite du Christ, qui tient une bourse dans sa main, où se trouvent les trente deniers de la trahison. Étant donné le nombre de personnages réduits, on ne saurait calquer le même scénario sur la photo du Conseil fédéral. Mais cela peut donner quelques pistes pour les observateurs de la Berne fédérale à l’heure des élections de 2023. Quel sera le degré de confiance dans lequel pourront travailler ces gens?