Les microbes GM vont-ils bientôt envahir les champs?

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De plus en plus d’entreprises commencent à développer des engrais et des produits phytosanitaires composés de microbes GM.

Dr Luigi D’Andrea, ASGG
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Dr Luigi D’Andrea, ASGG
Les nodules racinaires se produisent sur les racines des plantes (légumineuses) qui s'associent à des bactéries symbiotiques fixatrices d'azote.

Les nodules racinaires se produisent sur les racines des plantes (légumineuses) qui s'associent à des bactéries symbiotiques fixatrices d'azote.

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Rarement autant d’argent a été investi dans une start-up active dans la recherche agricole que dans Pivot Bio: l’entreprise californienne a reçu 600 millions de dollars US au cours des quatre dernières années – entre autres du fondateur de Microsoft Bill Gates et du patron d’Amazon Jeff Bezos. Si l’intérêt des investisseurs est si vif, c’est grâce à Proven et Return, les deux produits que Pivot Bio a jusqu’à présent lancés sur le marché américain. Il s’agit de deux engrais pour céréales, Proven pour le maïs, Return pour le millet et le blé. Ces engrais sont composés de bactéries GM adaptées à la fixation de l’azote avec ces céréales.

Par le passé, c'étaient les «légumineuses» comme le soja, les pois et les haricots qui permettaient de fixer l'azote contenu dans l’atmosphère dans le sol grâce aux bactéries vivant en symbiose avec leur système racinaire. Si l’on souhaite faire profiter une céréale de ce «service microbien», il faut cultiver d’abord une légumineuse puis la céréale, ou alors cultiver les deux ensemble en association de culture.

Avec les bactéries GM de Proven et Return, fini l’association de culture et bonjour les bactéries GM disséminées directement dans les champs. Le marché est énorme et les profits aussi car ces produits sont brevetés… en espérant qu’on ne brevette pas directement la fixation d’azote au passage, ce qui serait tout à fait dans l’objectif des investisseurs.

Un autre secteur de développement est celui de bactéries produisant des toxines insecticides ou des composés permettant d’agir comme insecticides grâce à un mécanisme nommé «interférence ARN» que nous n’expliquerons pas ici. Ces molécules actives, qu’elles soient composées de protéines ou d’ARN, seraient ainsi répandues dans l’environnement…

La nécessité d’abandonner les engrais et les pesticides de synthèse, les progrès technologiques de ces dernières années (qui permettent la modification plus rapide et plus facile des génomes) ainsi que la dérégulation dans certains pays des techniques dites de «mutagénèse dirigée» (utilisant divers ciseaux génétiques – le plus connu étant CRISPR-Cas –) explique le marché gigantesque qui attend ces microbes GM.

Un moratoire aussi pour les microbes GM?

On ne sait pas si, et quand, des demandes d’autorisation pour des microbes GM seront déposées en Suisse. Ce qui est clair en revanche, c’est qu’ils ne seraient pas concernés par le moratoire actuel sur les OGM. Celui-ci ne s’applique en effet qu’aux plantes et aux animaux. Faut-il étendre la portée du moratoire aux microbes? C’est l’une des questions dont les politiciens devraient débattre lorsqu’ils décideront en 2025 de prolonger à nouveau le moratoire.

Quels sont les risques liés aux microbes GM? Peut-on imaginer des produits qui apportent une plus-value à l’agriculture locale? Y a-t-il des lacunes dans les connaissances qui doivent être comblées avant la mise sur le marché? Il est prévisible que l’industrie exigera bientôt, comme c’est le cas actuellement pour les plantes, que les microbes soient exclus du champ d’application de la législation sur le génie génétique. Il est également probable que la situation dans l’UE joue un rôle dans l’issue des discussions en Suisse.

La Commission européenne a récemment reporté la décision de déréglementation des microbes GM à une date indéterminée, mais a chargé ses autorités de se préparer à leur introduction sur le marché: le Centre commun de recherche se penche sur les méthodes de détection des microbes GM et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) se demande si les lignes directrices existantes sont suffisantes pour l’évaluation des risques liés aux microbes GM.

Qu’en serait-il de la protection de l’agriculture biologique? Elle a toujours utilisé des bactéries comme activateur de croissance ou pour la protection des plantes… mais elle renonce au génie génétique et aux OGM. Elle sera probablement impactée par la dissémination de ces produits et leurs brevets.

En partenariat avec «La Semaine du Goût»

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