Attentats du 13-NovembreDans le box des accusés, Abdeslam convoque déjà «Allah»
Le seul terroriste présumé des attentats du 13-Novembre encore en vie a comparu mercredi en public. D’autres accusés seront également jugés lors d’un procès-fleuve.

La gendarmerie escorte le véhicule transportant Salah Abdeslam, mercredi matin.
AFPLe principal accusé du procès des attentats du 13-Novembre, Salah Abdeslam, a déclaré mercredi dans ses premiers mots à la cour qu’il n’y «a pas de divinité à part Allah», alors qu’il était invité à décliner son identité à l’ouverture de l’audience.
«Tout d’abord, je tiens à témoigner qu’il n’y a pas de divinité à part Allah et que Mohamed est son messager», a déclaré le seul membre encore en vie des commandos qui ont fait 130 morts à Paris. «On verra ça plus tard», lui a répondu le président Jean-Louis Périès, qui lui a ensuite demandé sa profession.
Debout dans le box, Salah Abdeslam, qui a baissé son masque noir pour s’exprimer, s’est à nouveau penché vers le micro. «J’ai délaissé toute profession pour devenir un combattant de l’Etat islamique», a-t-il répondu placidement.
Il a ensuite refusé de donner le nom de ses parents: «Le nom de mon père et ma mère n’ont rien à voir dans cette histoire».
D’autres accusés
Salah Abdeslam, le seul membre encore en vie des commandos qui ont fait 130 morts et traumatisé la France le 13 novembre 2015, a pris place mercredi dans le box des accusés, à quelques instants de l’ouverture du procès historique de ces attentats à Paris.
Barbe noire dépassant de son masque de la même couleur, cheveux sombres mi-longs coiffés en arrière, tee-shirt noir, Salah Abdeslam se tenait dans le box, entouré de nombreux gendarmes et discutant avec ses avocats, Me Olivia Ronen et Martin Vettes.
Dix autres accusés sont présents à ses côtés dans le box, et trois autres, qui comparaissent libres sont assis sur des chaises. Dans la grande salle de 550 places ont pris place une majorité de robes noires d’avocats, et quelques dizaines de parties civiles et de journalistes.
«Dans notre mémoire collective»
Des kamikazes devant le Stade de France, des armes de guerre en plein Paris, 130 morts: la nuit du 13 novembre 2015, «la France toute entière a été plongée dans l’horreur», a rappelé mercredi matin le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, au micro de BFMTV et RMC.
«Ces événements sont entrés par effraction dans les mémoires et notre mémoire collective», a insisté le garde des Sceaux, pour qui le défi du procès est double: que la justice «soit rendue conformément aux règles qui sont les nôtres depuis des siècles et que nous soyons au rendez-vous logistique».
Dans la matinée, sous l’œil des caméras, un convoi ultrasécurisé avait quitté la prison de Fleury-Mérogis, où le seul membre encore en vie des commandos jihadistes du 13 novembre 2015, Salah Abdeslam, est depuis plus de cinq ans incarcéré à l’isolement total.
Au bord de la Seine, les abords du vieux palais de justice étaient bloqués depuis l’aube par un large périmètre de sécurité. Sous l’œil de joggeurs, de cyclistes et de touristes étonnés ou parfois agacés, les forces de l’ordre vérifiaient les laissez-passer de tous ceux qui se dirigeaient vers le palais pour ce procès hors norme.
Les portes d’accès se sont ouvertes à 10 heures pour les centaines de parties civiles, d’avocats et de journalistes attendues. Près d’un millier de membres des forces de l’ordre seront mobilisés pour la sécurité du procès, dont 630 aux abords du palais et à l’intérieur, selon l’Intérieur.
«Le procès le plus long»
Filmé pour l’Histoire, ce procès va se dérouler sur neuf mois, une durée sans précédent pour une audience criminelle en France. «Ce sera le procès sans doute le plus long de l’histoire», a dit à l’AFP Me Christian Saint-Palais, avocat d’un des accusés.
Il est aussi inédit par l’ampleur du dossier – 542 tomes – par son nombre de parties civiles – au moins 1800 – et par sa charge émotionnelle. Quelque 550 personnes prendront place dans une salle spécialement construite au sein du palais.
Il doit permettre en particulier «aux familles de victimes, de comprendre ce qu’il s’est passé» et de «construire (une) mémoire collective en réaffirmant les valeurs d’humanité et de dignité de la société dans laquelle on vit», a déclaré l’ancien procureur de Paris François Molins sur RTL.
Le «dixième homme»
À l’ouverture, c’est sans doute vers Salah Abdeslam que tous les regards se tourneront. Le Franco-Marocain de 31 ans est le «dixième homme», seul membre encore en vie des commandos téléguidés par le groupe État islamique (EI) qui ont fait 130 morts et plus de 350 blessés à Saint-Denis et Paris.
La cour d’assises spéciale doit juger 20 accusés, soupçonnés d’être impliqués à divers degrés dans la préparation des attaques. Dix prendront place dans le box aux côtés de Salah Abdeslam. Trois autres, sous contrôle judiciaire, comparaîtront libres.
Six autres enfin sont jugés par défaut, dont le donneur d’ordres et vétéran du jihad Oussama Atar, et les «voix» françaises de la revendication de l’EI, les frères Fabien et Jean-Michel Clain, tous trois présumés morts en Syrie. Les deux premiers jours d’audience seront essentiellement consacrés à l’appel des parties civiles.
Sur place, Me Abed Bendjador a dit à l’AFP représenter un Argentin et un Espagnol présents au Bataclan: «Ils se sont constitués (parties civiles) hier et avant-hier. Pour dire «j’ai été présent, j’ai réussi à ne pas rester chez moi», mais «je ne suis pas sûr qu’ils attendent grand-chose d’Abdeslam et des autres accusés», dit l’avocat, et «ils ne seront pas présents les premiers jours parce qu’il y a cette forme d’appréhension – toute l’organisation, la sécurité, le regard posé sur eux – et psychologiquement, c’est extrêmement dur».
«Vague d’émotion»
Les témoignages de rescapés et proches des victimes ne débuteront que le 28 septembre, pour cinq semaines. «On sait» qu’à cette occasion, «c’est une vague d’émotion qui déferle, les faits remontent à la surface», dit Philippe Duperron, dont le fils de 30 ans a été mortellement blessé au Bataclan, et qui s’exprimera comme président de l’association de victimes 13onze15.
Le vendredi 13 novembre 2015, la nuit de terreur débute à 21h16: trois kamikazes vont se faire exploser aux portes du Stade de France, pendant une rencontre amicale de football entre la France et l’Allemagne. Au cœur de Paris, deux commandos de trois hommes mitraillent à l’arme de guerre des terrasses de cafés et de restaurants et tirent sur la foule d’un concert au Bataclan, où l’assaut sera donné peu après minuit.
«Ce procès promet d’être chargé en émotions, la justice se devra toutefois de les tenir à distance si elle ne veut pas perdre de vue les principes qui fondent notre État de droit», mettent en garde les avocats de Salah Abdeslam, Olivia Ronen et Martin Vettes.
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