Grand entretienUne heure de «suissitude» sur TV5 monde avec Alain Berset
Dès le 1er mai, la Suisse va présider le Conseil de sécurité de l’ONU. À cette occasion, TV5 Monde a diffusé samedi un entretien d’une heure avec Alain Berset, qui a défendu la maison Suisse avec panache.
- par
- Eric Felley
La chaîne TV5 Monde a diffusé samedi un grand entretien avec le président de la Confédération Alain Berset. De quelque 55 minutes, ce rendez-vous avec les journalistes Antoine Genton et Serge Enderlin, s’est inscrit dans la perspective du 1er mai, date à laquelle la Suisse présidera durant un mois le Conseil de sécurité de l’ONU, succédant ainsi à la Fédération de Russie.
Cette petite heure à bâtons rompus a permis de passer en revue tous les sujets qui fâchent peu ou prou autour de la tranquille Helvétie à l’internationale: l’opposition à la réexportation des armes vers l’Ukraine, l’incompréhension face à la neutralité suisse, une certaine mollesse face au blocage des avoirs russes, la lutte contre le réchauffement climatique et, évidemment, les circonstances de la fusion forcée de Credit Suisse avec UBS.
«Quelque chose de très suisse»
En début d’émission, Alain Berset a eu droit à un rapide portrait et un retour sur sa trajectoire politique, qu’Antoine Genton a conclu par la maxime du Fribourgeois au temps de la pandémie: «Nous irons aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire». Ce fut l’occasion pour Alain Berset d’en faire une nouvelle devise nationale: «Il y a eu beaucoup de réactions à la suite de cette phrase, a-t-il réagi, parce que je crois que c’est quelque chose de très suisse, de très réfléchi, de très posé, un pas après l’autre, on essaie d’avoir un équilibre qui soit durable». Tout était dit ou presque.
«C’est extrême et c’est faux»
Dans cet état d’esprit, le président de la Confédération a défendu la neutralité helvétique dans son refus d’autoriser la réexportation d’armes suisses vers l’Ukraine. Antoine Genton est revenu sur les propos d’une ministre allemande dans cette crise: «Être neutre c’est faire jeu de l’agresseur». Alain Berset a contré avec vigueur: «C’est extrême, c’est extrême et c’est faux… Il faut garder un peu de raison dans ce débat, nous avons clairement condamné l’agression de la Russie contre l’Ukraine, nous avons dénoncé une violation crasse du droit international, nous avons repris l’intégralité des sanctions européennes à l’égard de la Russie». Et un peu plus loin de rappeler que la Russie avait dès lors placé la Suisse sur la liste des pays «hostiles».
Serge Enderlin a tenté une autre approche: «La position Suisse n’est pas très claire. Je prends un exemple, pourquoi la Suisse n’a pas mis de drapeau ukrainien sur ses bâtiments publics?» Le président s’est étonné: «C’est une question de symbole, si vous vous promenez au Parlement, ici et là, vous allez voir des drapeaux ukrainiens un peu partout. Franchement c’est une question de symbole, on est au-delà de ça, avec un engagement très clair et très fort aux côtés de l’Ukraine».
Faire toute la lumière sur Credit Suisse
Concernant le rachat de Credit Suisse par UBS, Alain Berset n’a pas fait de grandes révélations. Serge Enderlin s’est dit surpris que la Suisse se dise si attachée à ses lois pour la neutralité, mais qu’elles n’hésitent pas à les transgresser quand il s’agit de sauver les banques. Alain Berset s’en est tiré en expliquant pourquoi ce n’était pas le cas et que, dans l’affaire Credit Suisse: «On a dû le faire, parce qu’il n’y avait pas d’alternatives, la catastrophe était programmée». Et d’ajouter: «Les banquiers qui sont trop grands pour faire faillite ont l’occasion de faire reporter sur l’État et les collectivités les problèmes qui se présentent à eux. Ce n’est pas imaginable que cela se poursuive comme ça».
Enfin, l’entretien a porté sur les élections fédérales du mois d’octobre, où l’UDC est donnée favorite dans les sondages. Alain Berset a relativisé: «En Suisse, on n’a pas de grand renversement de pourcentages. Ce qui risque de dominer c’est une grande stabilité et cette stabilité n’est pas une mauvaise chose pour les équilibres dans ce pays».
Une présidence d’un mois
En mai 2023, pour la première fois de son histoire, la Suisse prendra donc la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU. Cette charge ne dure qu’un mois et la Suisse a décidé de la placer sous quatre thèmes: l’efficience du conseil, la construction de la paix, la sécurité climatique et la protection des populations civiles.