SessionLe National balaie l’initiative pour une 13e rente AVS
Au grand dam de la gauche, tout le camp bourgeois a rejeté en bloc l’initiative lancée par l’USS. Le texte entraînerait des injustices et aggraverait encore la situation du 1er pilier, selon eux.
- par
- Christine Talos
Sans surprise, la droite du National a fait bloc pour balayer, par 123 voix contre 67, l’initiative populaire fédérale «Mieux vivre à la retraite (initiative pour une 13e rente AVS)».En effet, tant le PLR, les Vert’libéraux que l’UDC et le Centre ont rejeté ce texte lancé en mars 2020 et déposé en mai 2021 par l’Union syndicale suisse. Le clivage a été net: d’un côté toute la droite a voté contre, de l’autre, toute la gauche voulait ce texte.
Ce que demande l’initiative
Pour rappel, l’initiative demande l’introduction d’un versement supplémentaire, chaque année, d’une 13e rente mensuelle de l’AVS, à l’instar d’un 13e salaire pour les employés actifs. Ce qui correspondrait à une hausse de 8,33% de la rente. Ce supplément ne doit entraîner ni la réduction des prestations complémentaires (PC) ni la perte du droit à ces prestations. Selon le Conseil fédéral, qui rejette le texte, celui-ci entraînera des dépenses supplémentaires d’environ 5 milliards de francs en 2032. Soit 0,8% de cotisations salariales ou 1,1 point de TVA. Or, selon les perspectives actuelles, l’AVS présentera déjà un déficit de près de 4,7 milliards de francs en 2032.
De nombreux députés bourgeois ont dénoncé le principe de l’arrosoir de l’initiative puisque tous les retraités, y compris les plus aisés, bénéficieraient de cette 13e rente, ce qui est une injustice à leurs yeux. «Le système actuel des retraites fonctionne bien, puisque 87,5% de tous les rentiers AVS ne perçoivent aujourd’hui aucune prestation complémentaire», a rappelé Andri Silberschmid (PLR/ZH) au nom de la commission. Et pour les 12,5% des personnes qui doivent recourir aux PC, la couverture des besoins vitaux est ainsi garantie, selon lui.
L’initiative aggraverait aussi dangereusement la situation de l’AVS, a rappelé Céline Amaudruz (UDC/GE) au nom de la commission. Ce texte est à contre-courant total de la situation actuelle où il faut stabiliser et combler le déficit du 1er pilier, a abondé Régine Sauter (PLR/ZH). Il s’agit «d’un attrape-nigaud aux consonances doctrinaires ou électoralistes. N'ouvrons pas ce cadeau empoisonné», a ajouté Pierre-André Page (UDC/FR).
L'initiative prévoit que la 13e rente AVS ne doit pas avoir d'impact sur le droit aux prestations complémentaires. Les bénéficiaires d'une rente d'invalidité ou de survivants seraient désavantagés par rapport aux retraités, a relevé de son côté Benjamin Roduit (C/VS).
«Certains ne savent pas comment remplir le frigo»
La gauche a tenté de toutes ses forces de convaincre l’hémicycle. À commencer par Pierre-Yves Maillard (PS/VD). Le bouillant patron de l’USS a rappelé que l’AVS avait été créée en 1948 pour protéger notre population contre le risque de pauvreté à l’âge de la retraite. «Cette promesse n’est plus respectée. Nous vivons à nouveau, depuis des années, la situation inacceptable où des personnes qui ont travaillé toute leur vie se posent la question de savoir comment elles vont remplir le frigo!» a-t-il tonné.
«Environ la moitié des personnes qui partent à la retraite touchent moins de 3500 francs de rentes cumulées AVS et LPP par mois et le pouvoir d’achat va encore baisser d’ici 2024, vu l’inflation attendue et la hausse des primes maladie», a abondé Brigitte Crottaz (PS/VD). Qui a aussi dénoncé en vain l’alarmisme des milieux économiques qui «profite aux banques et assurances qui peuvent ainsi vendre leurs produits de 3e pilier.»
Parlement accusé de ne pas tenir ses promesses
Léonore Porchet (V/VD) est aussi montée aux barricades. «Comment aujourd’hui expliquer à ma grand-mère, qui reçoit moins que la rente médiane, que le Parlement se dit «tant pis pour elle»?» a-t-elle lancé. Et d’accuser la droite du Parlement, après le oui du peuple au projet AVS 21: «La population l’a accepté parce que vous avez dit que vous alliez faire quelque chose pour les femmes dans la réforme LPP», a-t-elle plaidé, en rappelant qu’un tiers d’entre elles n’avait pas de 2e pilier. «Cette promesse n’est pas tenue. Et vous avez aussi dit qu’il y avait des solutions pour permettre à ce que la vie à la retraite soit digne. Cette promesse n’est pas non plus tenue».