Crimes de guerreÀ son procès, un ex-chef rebelle kosovar rejette les accusations
Depuis mardi, le «Commandant Wolf» est jugé pour crimes de guerre devant un tribunal spécial international, à La Haye.
Un ancien commandant de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) jugé pour crimes de guerre a plaidé non coupable à l’ouverture de son procès mardi devant un tribunal spécial international à La Haye, rejetant des accusations «fabriquées de toutes pièces».
Pjeter S., 59 ans, également connu sous le surnom de «Commandant Wolf», était selon les procureurs un chef militaire local actif dans l’ouest du Kosovo au cours de la guérilla indépendantiste kosovare contre les forces serbes à la fin des années 1990.
«Petit groupe de l’UCK»
Arrêté en Belgique en mars 2021, il est accusé de «détention arbitraire» et «traitement cruel» d’au moins 18 détenus civils soupçonnés d’espionnage ou de collaboration avec la Serbie, de «tortures» et de «meurtre». «Je ne reconnais rien. C’est fabriqué de toutes pièces», a déclaré l’accusé, lorsque la juge Mappie Veldt-Foglia lui a demandé s’il plaidait coupable ou non coupable. «Totalement non coupable», a ajouté Pjeter S., qui comparaissait vêtu d’un costume noir, d’une chemise blanche et d’une cravate violette.
Selon l’accusation, il faisait partie d’un «petit groupe de soldats de l’UCK» qui ont gravement maltraité les détenus dans une usine métallurgique utilisée par la rébellion comme quartier général à Kukes, dans le nord-est de l’Albanie.
Intimidation de témoins
«Les détenus ont été victimes de violences graves et répétées, de torture, et dans un cas de meurtre», a affirmé Alex Whiting, principal procureur dans ce dossier. Le prévenu «a participé à des passages à tabac répétés (…) y compris au moyen de barres de fer et d’objets tranchants», a-t-il poursuivi. «Les victimes se retrouvaient en conséquence couvertes de sang, souffrant d’os fracturés et incapables de marcher», a précisé Alex Whiting.
Pjeter S. et d’autres membres de l’UCK sont également accusés d’avoir en juin 1999 battu un détenu et lui avoir tiré une balle dans la jambe, «ce qui l’a fait saigner à mort», a poursuivi le procureur. «Une vie a été gâchée de manière insensée», a déclaré Simon Laws, un avocat représentant les victimes dans l’affaire.
Alex Whiting a déclaré aux juges que l’intimidation des témoins des affaires portées devant le tribunal se poursuivait, la qualifiant de «réelle, sérieuse, omniprésente», et affirmant qu’elle avait «continué à façonner le procès».
L’ancien président inculpé
Le tribunal spécial pour le Kosovo, financé par l’Union européenne, est une instance de droit kosovar composée de juges internationaux et chargée d’enquêter sur des crimes commis par l’UCK pendant et après le conflit. Les affrontements, de 1998 à 1999, ont fait 13’000 morts et se sont achevés lorsque les forces du président serbe Slobodan Milosevic se sont retirées après une campagne de bombardements de l’Otan qui a duré onze semaines.
La juridiction a porté des accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité contre plusieurs hauts responsables de l’UCK, dont l’ancien président du Kosovo Hashim Thaci (2016-2020), qui a démissionné après avoir été inculpé mais est toujours considéré comme un héros dans son pays.
En décembre, le tribunal a rendu son premier verdict pour crimes de guerre, condamnant à 26 ans de prison un ex-commandant rebelle, Salih M., qui dirigeait un centre de tortures. En 2021, il a condamné deux hommes à des peines de prison pour intimidation de témoins. La défense de Pjeter S. devrait faire sa déclaration liminaire mercredi. L’accusé s’adressera aux juges, ont affirmé ses avocats.