#Balancetonbar – La menace du GHB plane sur les établissements de nuit

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#BalancetonbarLa menace du GHB plane sur les établissements de nuit

Les dénonciations se multiplient partout en Europe. Le milieu de la nuit cherche des solutions mais certaines associations militantes regrettent une charge mentale supplémentaire sur les victimes potentielles.

Florian Cella / VQH

Un malaise, une agression et plus aucun souvenir: depuis quelques semaines, les témoignages de femmes victimes de viol ou d’agressions sexuelles dans des bars ou discothèques de France se multiplient sur les réseaux sociaux et mettent en cause le GHB, surnommé la «drogue du violeur».

Le mouvement est né il y a un mois en Belgique sous le mot-dièse #Balancetonbar, après plusieurs cas d’agressions rapportés dans les bars d’un quartier étudiant bruxellois. Certaines victimes soupçonnent leur agresseur, client ou membre du personnel de l’établissement, de les avoir droguées à leur insu avant de passer à l’acte. Sur le banc des accusés, deux molécules, le GHB (gamma-hydroxybutyrate de sodium) et le GBL (gamma-butyrolactone). Le premier est normalement prescrit comme anesthésique et dans le traitement de la narcolepsie. Le second utilisé comme solvant industriel. Euphorie, désinhibition, sentiment de bien-être, intensification des perceptions, leurs effets sont documentés. Le GHB est donc classé comme stupéfiant en France depuis 2001 mais pas le GBL, interdit à la vente au grand public depuis 2011. Si leur utilisation à des fins récréatives est fréquente, ces deux substances sont beaucoup plus rarement utilisées à des fins criminelles dans le cadre de tentatives de soumission chimique, dit l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT).

Florine, 20 ans, en a été victime à Montpellier. Fin octobre, elle fête l’anniversaire de son copain dans une discothèque bondée, verre en main, lorsqu’elle est victime d’un malaise puis perd connaissance. «Je ne me souviens plus de rien», raconte-t-elle, «mes amis disent qu’ils m’ont sortie, que je ne réagissais à rien». La jeune femme revient à elle à l’hôpital. Des analyses toxicologiques révèlent la présence de GHB dans son sang. «Heureusement que j’étais bien entourée car je ne sais pas ce qui aurait pu m’arriver».

Le cas de Florine n’est pas isolé. La semaine dernière, la procureure de Paris Laure Beccuau a annoncé l’ouverture d’une enquête après avoir reçu plusieurs plaintes de personnes affirmant avoir été droguées dans des bars ou des discothèques de la capitale.

«Criminels»

Dans le code pénal, «l’administration de substances de façon non consentie» constitue une circonstance aggravante pour les auteurs d’agression sexuelle ou de viol. Des soupçons d’agression au GHB ont aussi fleuri à Besançon, où un message affirmant que «plusieurs personnes ont été droguées à leur insu au GHB» dans des établissements de nuit de la ville a circulé sur les réseaux sociaux en appelant à «faire attention».

«Deux jeunes filles ont en effet affirmé avoir été chimiquement soumises», assure à l’AFP le procureur, Etienne Manteaux, «mais cela n’a pas été démontré par les analyses toxicologiques». «On ne dit pas qu’il n’y a pas de GHB, on sait qu’il peut circuler, mais une psychose s’est installée», déplore-t-il. Le magistrat pointe plutôt du doigt «une problématique très préoccupante d’alcoolisation massive avec des mélanges d’alcools forts, qui peuvent mener à des pertes de connaissance pouvant être assimilées à une prise de GHB». A ce stade, une seule plainte pouvant relever de l’administration de GHB a été déposée au commissariat de Besançon début octobre: celle d’un jeune homme retrouvé dans un champ à la sortie d’une discothèque en slip et incapable d’expliquer ce qui lui était arrivé.

Anjima, 21 ans, n’a aucun souvenir, elle non plus, de sa soirée en septembre au Supersonic, une salle de concert parisienne. «J’avais très peu bu, juste une bière, je n’étais pas sous une autre substance», affirme-t-elle à l’AFP. Le jeune femme en est persuadée, tout ce qui s’est passé est l’oeuvre du GHB. Le lendemain, elle s’est réveillée dans son lit avec un proche, qui lui annonce avoir eu une première relation sexuelle avec elle dans la salle de concert, et une seconde à son domicile.

«Charge mentale»

Elle lui reproche aujourd’hui «d’avoir profité de la situation» et envisage de porter plainte pour viols. La responsable de la communication du Supersonic affirme prendre très au sérieux ces témoignages: en plus d’une campagne d’affichage, l’établissement a récemment recruté une agente de sécurité et s’apprête à utiliser des «capotes de verre». Ces couvercles, à poser sur le verre, peuvent être une solution mais seraient inopérants avec les nouvelles techniques d’administration par micro-aiguilles, déplore le Groupement national des indépendants de l’hôtellerie et de la restauration (GNI). «Malheureusement, on a l’impression que quoi qu’on fasse on aura toujours un temps de retard sur les personnes malveillantes», regrette son porte-parole, Franck Trouet.

Le président du principal syndicat des établissements de nuit, l’Umih Nuit, assure se préoccuper lui aussi de ce phénomène, même s’il le juge «très à la marge». «On travaille sur une procédure: que faire quand on tombe sur une fille qui sort ‘groggy’, seule ou accompagnée ? Pour au moins mettre en place quelque chose de décourageant pour les agresseurs potentiels», déclare Thierry Fontaine.

L’initiatrice du mouvement #Balancetonbar en Belgique, Maïtée Meeus, est mitigée sur l’utilisation des couvercles qui, selon elle, fait «peser la charge mentale de la sécurité sur les femmes elles-mêmes». De nombreuses voix se font entendre pour arrêter de culpabiliser les victimes. «Encore plus quand il y a consommation d’alcool», dénonce Domitille Raveau, la directrice de l’association Consentis. «On va dire que c’est de leur faute, qu’il ne fallait pas boire autant, que rien ne s’est passé, que c’est dans leur tête».

(AFP)

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