États-UnisL’enquête sur l’assaut du Capitole face au défi de convaincre
Malgré les révélations, les enquêtes d’opinion placent l’enquête sur l’assaut du Capitole bien bas dans la liste des préoccupations des ménages américains.
Une accusation de «tentative de coup d’Etat», des images inédites et d’une violence extrême... le groupe d’élus enquêtant sur l’assaut du Capitole a livré jeudi un puissant plaidoyer sur la responsabilité de Donald Trump dans les événements du 6 janvier 2021. Cela suffira-t-il pour capter l’attention des Américains?
L’audition, méticuleusement organisée et calibrée pour sa retransmission télévisée à une heure de grande écoute, était la première opportunité pour la commission d’enquête parlementaire de placer l’ancien président au coeur d’un «complot» visant à renverser le résultat de la présidentielle de 2020, remportée par l’actuel président Joe Biden.
Vidéos et montages sophistiqués à l’appui, les élus ont raconté minute par minute l’émeute du «6 janvier», quand des milliers de partisans de Donald Trump réunis à Washington avaient pris d’assaut le siège du Congrès américain.
«L’âme de l’Amérique»
L’objectif? Construire un récit saisissant, capable de capter l’attention du grand public et de le convaincre de la pertinence de ces révélations, à l’heure où la commission alerte contre les graves menaces auxquelles la démocratie américaine est toujours confrontée. Les élus font face à un défi de taille.
Car si les images de hordes déchaînées parcourant les couloirs de ce bâtiment de marbre blanc sont encore vives, les enquêtes d’opinion placent cette investigation bien bas dans la liste des préoccupations des ménages américains, loin derrière l’inflation ou le prix de l’essence. Seulement 42% des personnes sondées par une enquête de YouGov et de l’université du Massachusetts estimaient en mai qu’il était nécessaire que les émeutiers rendent des comptes -- une baisse de 10% en un an.
«Il est important que les Américains comprennent ce qui s’est vraiment passé» avant, pendant et après l’assaut du Capitole, a dit le président américain vendredi, en déplacement à Los Angeles. «Les forces ayant conduit à l’assaut du Capitole sont encore à l’oeuvre aujourd’hui», a tenté d’alerter Joe Biden, estimant que «la bataille pour l’âme de l’Amérique (était) loin d’être gagnée».
Un an et demi après l’assaut du Capitole, des millions de partisans de Donald Trump restent en effet fermement convaincus que l’élection de 2020 fut entachée de fraudes. Et ce malgré les innombrables preuves du contraire. L’ancien président «reste populaire auprès de sa base», souligne en outre Ahmed Zohny, professeur à la Coppin State University, auprès de l’AFP.
«Donc à moins que la commission parlementaire du 6 janvier ne présente des preuves de nature criminelle qui l’empêchent de se représenter, il est peu probable que les républicains de la Chambre et du Sénat se prononcent contre lui», analyse-t-il.
Inflation et overdoses
Le refus de Fox News -- la chaîne préférée des conservateurs -- de retransmettre ces auditons en direct contrairement à de nombreuses chaînes d’information en continu a aussi considérablement réduit la portée de ces révélations auprès des électeurs conservateurs.
Près de 20 millions d’Américains ont néanmoins regardé cette première audition, selon une estimation préliminaire du cabinet Nielsen. Cinq autres auditions tout au long du mois de juin viendront compléter cet exposé initial.
A l’heure de l’audition, les téléspectateurs se branchant sur Fox News entendaient eux l’animateur vedette Tucker Carlson se plaindre du prix de l’essence et de l’inflation record qui minent les ménages américains. «La criminalité rend les villes impossibles à vivre et plus de 100’000 Américains ont fait des overdoses l’année dernière. Pourquoi n’y a-t-il pas d’audition à une heure de grande écoute sur ces sujets-là?", a-t-il lancé à l’antenne.
La commission parlementaire juge son travail essentiel afin de garantir que l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire américaine ne se répète jamais. Mais la majorité des républicains, encore extrêmement fidèles à l’ancien président, rejettent ses travaux. Le principal intéressé, Donald Trump, a une nouvelle fois fustigé vendredi matin une «chasse aux sorcières totalement partisane».