ParlementConseil de sécurité de l’ONU et neutralité: débat musclé en vue
Le National va se pencher, jeudi, sur la candidature de la Suisse au Conseil de sécurité de l’ONU. L’UDC va la combattre de toutes ses forces. Les États en discuteront lundi prochain.
![Christine Talos](https://media.lematin.ch/4/image/2023/10/25/b90562b8-60f7-489e-9b13-f3fb7dba0be9.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=crop&w=400&h=400&rect=0%2C0%2C1639%2C2048&fp-x=0.48688224527150703&fp-y=0.3447265625&crop=focalpoint&s=dc784a6cc1be1f40b2f04ab98e9ff953)
![Le Conseil de sécurité de l’ONU. Le Conseil de sécurité de l’ONU.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/08/97105050-3efa-4a5f-8f63-66fc13c131b7.png?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C1518%2C768&fp-x=0.5&fp-y=0.5&s=ad19e6583a1b3d9f6a304d74c01a35d8)
Le Conseil de sécurité de l’ONU.
ONULa Suisse doit-elle rejoindre le Conseil de sécurité de l’ONU à titre de membre non permanent? Cette question va agiter le National jeudi matin et le Conseil des États lundi prochain. Cela en raison d’une motion de l’UDC, qui exige que Berne retire sa candidature. L’UDC a obtenu une session extraordinaire sous la Coupole pour en découdre via un débat qui devrait être bref. Explications.
De quoi parle-t-on?
La Suisse veut accéder au Conseil de sécurité de l’ONU. Elle a décidé en janvier 2011 déjà de déposer sa candidature. Avec Malte, elle brigue un des deux sièges dévolus à l’Europe occidentale en tant que membre non permanent pour la période 2023-2024. La décision d’attribuer à notre pays un des dix sièges non permanents du Conseil sera prise le 9 juin à New York. Si elle est favorable, ce serait une première pour notre pays.
Pourquoi rejoindre le Conseil de sécurité?
Pour rappel, la Suisse a adhéré en 2002 à l’ONU après une votation populaire. Mais elle assume depuis des années un rôle d’observatrice et de membre dans de nombreuses agences spécialisées. La Suisse est même un des membres les plus actifs de l’organisation, rappelle Berne. On se souvient d’ailleurs que le conseiller fédéral Joseph Deiss avait présidé la 65e session de l’Assemblée générale de l’ONU de 2010 à 2011. En outre, Genève accueille le deuxième siège le plus important de l’ONU depuis sa fondation en 1945. «Il est donc temps aujourd’hui pour la Suisse de prendre sa place à la table la plus importante en matière de paix et de sécurité», estime le gouvernement.
Quel est l’intérêt de la Suisse, selon Berne?
Une adhésion au Conseil de sécurité est en outre dans l’intérêt de la Suisse, selon Berne. Elle lui permet de s’engager de manière influente en faveur de la paix et de la sécurité ainsi que pour un ordre international fondé sur des règles. «Pour un pays de taille moyenne orienté vers l’exportation, cela revêt une grande importance. Un siège au Conseil de sécurité améliore en outre l’accès aux gouvernements importants et permet à la Suisse de mieux se faire entendre en matière de politique extérieure et de sécurité», estime le Conseil fédéral.
L’UDC ne veut pas cette candidature. Pourquoi?
L’UDC craint que la neutralité suisse ne vole en éclats. «Le plus souvent, les décisions du Conseil de sécurité ne sont pas motivées par des valeurs humanitaires ou démocratiques, mais sont le résultat d’un rapport de force politique», relève les motionnaires, Franz Grüter, président de la Commission de politique extérieure (CPE), et Marco Chiesa, président du parti. Si la Suisse devait y siéger, «non seulement elle accepterait ce rapport de force, mais elle abandonnerait aussi sa neutralité séculaire».
En outre, le parti craint pour les bons offices de la Suisse. «En siégeant au Conseil de sécurité, la Suisse perdrait de sa crédibilité dans ce domaine. Elle serait contrainte de prendre position sur des questions complexes, alors qu’elle pourrait s’engager de manière plus efficace en dehors», estime-t-il. Et le conflit actuel en Ukraine conforte l’UDC dans sa position: «Sans doute le Conseil fédéral espérait-il pouvoir jouer dans la cour des grands. On découvre avec l’Ukraine à quel point ce jeu est risqué, dangereux même pour notre neutralité et pour notre sécurité.»
Ce mandat menace-t-il la neutralité?
Non, affirme le Conseil fédéral qui cite son rapport de juin 2015 qui établit de manière exhaustive que la neutralité helvétique est parfaitement compatible avec le Conseil de sécurité. «Dans la situation mondiale actuelle, les voix indépendantes telles que celle de la Suisse, qui s’engagent en faveur d’un ordre international fondé sur le droit et peuvent servir d’intermédiaire entre les différentes parties, sont plus nécessaires que jamais», souligne le DFAE dans un dossier tout frais sur le sujet. En outre, «la Suisse applique déjà, comme non-membre, toutes les décisions du Conseil de sécurité, rappelle le Conseil fédéral qui cite aussi les expériences d’autres États neutres tels que l’Autriche, l’Irlande ou la Suède, qui ont tous siégé à plusieurs reprises et qui se représentent.
Et que disent les autres partis?
Tous les partis vont rejeter la motion de l’UDC. À l’image du Centre, qui estime que la candidature de la Suisse est compatible avec la neutralité et qu’il s’agit d’une chance de faire valoir ses valeurs et ses compétences. «Nos activités de promotion de la paix et notre rôle diplomatique doivent se poursuivre également dans les enceintes internationales. C’est une question de crédibilité», estime le sénateur jurassien Charles Juillard. Même credo du côté du PLR, qui soutiendra son ministre Cassis. «L’adhésion de la Suisse est d’autant plus importante dans le contexte actuel de l’Ukraine», estime le Vaudois Laurent Wehrli, membre de la CPE. Pour lui aussi, l’expertise helvétique en matière de bons offices ne pourra qu’apporter un plus à la table des grands.
Du côté de la gauche, le Parti socialiste et les Verts vont également rejeter la proposition UDC. «Il est évident que c’est très important pour la Suisse d’être dans la place, même si elle n’occupera qu’un siège non permanent», estime Brigitte Crottaz (PS/VD), également membre de la CPE. «Ce sera pour elle l’occasion de se prononcer sur de nombreux sujets, et sa candidature est d’autant plus logique avec ce qu’il se passe en Ukraine.»