Football15-0 pour la Suisse: entre électricité, amertume et vertige des générations
L’exploit abouti mais inutile de l’équipe de Suisse mardi face à la Moldavie a donné des couleurs étonnantes à la Tuilière. La Genevoise Laura Felber en a profité pour vivre sa première sélection.
Drôle de contexte pour lancer une carrière internationale. Laura Felber a vécu un double vertige mardi soir à la Tuilière. Celui du chiffre et celui de la génération. La Genevoise est entrée en jeu pour ses premières minutes sous le maillot suisse à la 81e. Son équipe menait 14-0 face à la Moldavie. Improbable. Un record historique, même.
Mais la défenseure de 21 ans a surtout été lancée dans le grain bain au cours d’une soirée où se sont vu honorer les jeunes retraitées Sandy Maendly et Rahel Kiwic pour ce qu’elles ont apporté à l’équipe de Suisse, et ses deux nouvelles coéquipières Gaëlle Thalmann et Lia Wälti pour avoir fraîchement passé la barre des 100 capes. Lourd poids que celui d’incarner le renouveau de figures pareilles.
La Servettienne l’assure, elle a passé une très bonne soirée. Son visage d’après-match est d’ailleurs fidèle à ceux de ses partenaires: marqué à la fois par la fierté d’avoir remporté un match officiel 15-0 et la retenue de circonstance. La Suisse a réalisé l’impensable, mais elle devra tout de même passer par la case barrage pour espérer voir la prochaine Coupe du monde. «On n’a rien fait de différent de d’habitude. Pas de discours de motivation particulier, pas de bouleversements. Les coaches suivaient d’un œil le résultat de l’Italie pendant qu’on est toutes restées focalisées sur le match», glisse-t-elle.
Bien au-delà des distinctions individuelles, il y avait un caractère unique à ce dernier match de qualification. Être obligées de marquer onze fois d’une part, savoir que ça pourrait ne pas suffire de l’autre. «Je n’avais jamais connu quelque chose de similaire», souffle volontiers Laura Felber. Alors l’atmosphère de la Tuilière a tourné au gré des vents. Parce que s’il n’y avait «que» 2888 spectateurs, tous avaient parfaitement enregistré les règles du jeu au moment de prendre position dans les tribunes. Une victoire de l’Italie contre la Roumanie et le rêve prenait fin.
Le but volé de Coumba Sow
Le premier rush d’émotions se fait sentir à la 4e minute. Ramona Bachmann s’apprête à inscrire le 2-0, le public prend pour la première fois conscience que le très déraisonnable objectif annoncé (11-0) peut devenir réalité, Coumba Sow pousse le ballon dans les filets en position de hors-jeu. But annulé. Lausanne s’arrache les cheveux. On pense encore que, pour en marquer onze, la Suisse n’a pas le droit à la moindre erreur dans le dernier geste.
Les Helvètes sont en retard sur les temps de passage et ça inquiète, mais le 2-0 de Ramona Bachmann (23e) est accueilli avec bonheur et optimisme. Il y a encore de l’électricité dans l’air. Son intensité se décuple en fin de première période, le moment où l’exploit se matérialise. De 3-0 à la 37e, on passe à 8-0 à la pause. Ça va le faire! Sauf que les regards se tournent fébrilement vers l’Italie. Elle mène 1-0, n’a pas concédé le moindre tir, tient le ballon 75% du temps. Ça ne va pas le faire…
La seconde mi-temps ne peut s’éviter de ressembler à une session d’entraînement face à un punching-ball. Les coups peuvent bien se montrer spectaculaires parfois, ils ne comptent plus pareil que dans un vrai combat. Le 11-0 d’Ana-Maria Crnogorcevic ne fait même pas spécialement bondir la foule. C’est malheureux pour les Suissesses et leur sélectionneur, qui ont brisé leurs défauts et leur frustration du début d’année pour élever leur football à un très haut niveau. Battre la Moldavie est une formalité, le faire dans ces proportions est un exploit. La mentalité observée jusqu’à la dernière seconde était parfaite, l’optimisation pour taper sur les points faibles moldaves soignée, le jeu dans les petits espaces savoureux. Mais il n’y avait rien à faire lorsque l’Italie a inscrit le 2-0 final.
L’avenir, c’est donc la case barrages. Les Suissesses (parmi les meilleures 2es de tous les groupes) pourront s’abstenir du premier tour et disputeront un match couperet le 11 octobre (pas d’aller-retour). Une défaite serait rédhibitoire, une victoire pas nécessairement synonyme de Mondial en Australie et en Nouvelle-Zélande l’été prochain. Mais dans cette réalité-là, les succès 1-0 font parfaitement l’affaire.