Radio-TVLes Suisses devront voter une nouvelle fois sur la redevance
Le texte intitulé «SSR – 200 francs, ça suffit!» a été déposé jeudi à Berne. Il fâche déjà les syndicats et le directeur de la SSR, Gilles Marchand.
- par
- Christine Talos
Le peuple devra probablement se prononcer sur une redevance radio-TV à 200 francs. En effet, l’initiative «SSR – 200 francs, ça suffit», lancée en mars 2022, a été déposée à Berne ce jeudi munie de 128’000 signatures. Le texte exige que la redevance soit plafonnée à 200 francs par ménage et par an «alors qu’elle est actuellement la plus élevée du monde avec 335 francs», relève le comité, emmené par l’UDC.
Les initiants ont réuni les paraphes nécessaires en 13 mois seulement. Une rapidité «qui confirme à quel point la population souhaite une réduction des redevances SSR», selon le conseiller national Thomas Matter (UDC/ZH). Le texte répond en outre à une «nécessité urgente» selon le président de l’UDC Marco Chiesa, car «l’offre médiatique a fortement changé, tout comme l’usage qu’en fait la population.»
Double imposition «inadmissible» des entreprises
Derrière le texte, on trouve également l’USAM, l’Union suisse des arts et métiers. Car la redevance actuelle taxe les entreprises en fonction de leur chiffre d’affaires. Une double imposition «inadmissible», selon la conseillère nationale Daniela Schneeberger (PLR), vice-présidente de l’USAM, qui relève que les patrons versent déjà la redevance SSR en tant que particuliers. «Avec cette imposition obligatoire des entreprises, les chefs d’entreprise et les artisans paient deux fois la redevance».
Le texte doit encore ouvrir un indispensable débat de fond sur la définition et l’étendue du «service public», estiment les initiants, «car la SSR s’active actuellement dans des secteurs du marché qui ne sont pas compris dans son mandat défini par sa concession».
Pour rappel, les Suisses avaient balayé à 71,6% l’initiative «Oui à la suppression des redevances radio-TV (No Billag)» en mars 2018, lancée elle aussi par l’UDC et l’USAM. Qui reviennent donc à la charge aujourd’hui avec une redevance à 200 francs. Mais ce texte pourrait séduire. Un sondage réalisé en 2018 par Tamedia montrait que 62% des personnes interrogées s’y disaient favorables.
Les syndicats et les Verts dénoncent une attaque contre la démocratie
Le SSM, syndicat suisse des mass media, et Syndicom, syndicat des médias et de la communication sont fermement opposés à l’initiative. Pour eux, cette baisse drastique de la redevance est «synonyme de démantèlement de la qualité et de la diversité du service public», ont-ils affirmé dans un communiqué. «Si l’initiative était acceptée, la SSR serait contrainte de réduire massivement son offre dans les régions et en quatre langues. Ce qui affaiblirait l’ensemble de la place médiatique suisse et détruirait des milliers d’emplois», selon Salvador Atasoy, co-président du SSM. Les syndicats critiquent en outre une «restriction massive du droit au libre accès à une information indépendante», ce qui est contraire à la Constitution, rappellent-ils. Et mettent en garde contre les «conséquences dévastatrices» du texte pour le pluralisme et la démocratie en Suisse.
«L’initiative anti-SSR est une nouvelle attaque de l’UDC contre la démocratie, qui cible les minorités linguistiques comme la Suisse romande», ont également estimé les Verts par la voix de la conseillère aux Etats genevoise Lisa Mazzone. Le parti attend désormais du Conseil fédéral, et en particulier de son ministre de la communication Albert Rösti, qu’il rejette clairement cette initiative.
«La concurrence se cache à l’extérieur», rappelle Gilles Marchand
Dimanche, le directeur général de la SSR, Gilles Marchand avait déjà critiqué l’initiative qui réduirait de moitié le budget de la SSR. Selon lui, elle impacterait l’ensemble de la place médiatique nationale. «Sans nos prestations, les portes seraient ouvertes aux plateformes et aux chaînes étrangères. La concurrence ne se cache pas à l’intérieur, mais à l’extérieur», a-t-il confié au SonntagsBlick. «Nous sommes si petits en Suisse, avec nos quatre régions linguistiques, qu’il n’y a pas d’autre modèle pour assurer le service public dans ces quatre régions», a-t-il encore défendu.