TélévisionFilmer les Jeunesses sans trop tirer sur la corde
Alcool, argent, vie privée, sexisme, racisme: peut-on aborder tous les sujets sans tabou au sein des campagnes vaudoises? L’équipe de tournage a dû savoir se fixer des limites. À voir chaque vendredi sur RTS1.
- par
- Michel Pralong
L’équipe de tournage de la série «Jeunesses!» diffusée tous les vendredis sur la RTS, a mis tout de suite les choses au clair avec les cinq protagonistes qu’elle a suivis pendant plus d’une année: si quelque chose les gênait, s’ils se sentaient mal à l’aise à un moment où s’ils n’avaient pas envie d’être filmés dans une circonstance précise, il fallait le dire tout de suite.
Il y a eu deux tournages des séquences dites de confessionnal, où chacun vient parler seul face à la caméra. Une première à mi-parcours, en mai et la deuxième en octobre, après le giron. Cela les a sans doute forcés à l’autoanalyse, à se confier un peu plus, à réfléchir à leur parcours. Les principales réticences ont été sur la vie amoureuse, que personne n’aborde, sauf Joël évidemment. Lui, son coming out et son mariage étaient ce pourquoi il participait à l’émission et il a été très heureux que ses noces soient filmées. L’équipe a d’ailleurs ainsi pu mettre en images l’un des premiers mariages homosexuels dans le canton de Vaud depuis que la loi le permet.
Robin, par exemple, n’a pas demandé à couper la séquence où, mort de trac, il va se réfugier dans les toilettes avant de monter sur la scène du théâtre. «Robin, il assume ce côté comique malgré lui», nous dit la réalisatrice Céline Pernet.
Très peu de personnes de couleur
Dans cet épisode 3, lorsque Lucie, la présidente de la Fédé, va faire un sondage au giron sur le harcèlement, une jeune femme lui explique qu’un ami noir était venu dans un des girons et avait été regardé comme une bête curieuse. L’équipe de tournage confirme, elle n’a vu quasi aucune personne de couleur parmi les Jeunesses. Aux Moulins, Damien est clair, le groupe est mieux sans les filles, ce qui n’est plus le cas dans les autres Jeunesses. Ce sont surtout les abbayes qui restent aujourd’hui le dernier bastion masculin.
Le producteur Stéphane Goël, qui avait réalisé une émission sur les Jeunesses en 1998 a été surpris de voir combien elles n’avaient guère changé, avec toujours ce lien très fort à la terre, au village et au travail. La réalisatrice Céline Pernet l’avoue, elle qui vient d’un village méprisait les Jeunesses adolescente, parce qu’elle allait au gymnase et qu’il y avait un mépris de classe. «Mais lors du tournage, j’ai été touchée par la ferveur de ces jeunes, l’investissement qu’ils mettent dans leur communauté. Dès qu’ils chantent l’hymne, cela m’a fait un effet ouf».
Pour elle, les Jeunesses ont tout de même évolué, s’adaptant à l’évolution de la société, sensibles aux questions de harcèlement, de sexisme. C’est aussi cela le secret de leur longévité: garder les mêmes raisons d’être tout en sachant changer avec le temps. Reste un sujet tabou: l’argent! Impossible de savoir précisément combien coûte et surtout combien rapporte un giron par exemple. Suffisamment en tout cas pour que les Jeunesses s’offrent des voyages de rêve.
«Jeunesses!» épisode 3, vendredi 15 septembre, 20 h 15, RTS1