ItaliePlus de 200 condamnés au procès XXL contre la mafia calabraise
Le procès, à Lamezia Terme, était le plus important contre la mafia, depuis plus de 30 ans. Près de 5000 ans de réclusion avaient été requis contre 322 accusés.
En Italie, plus de 200 personnes ont été condamnées, lundi, à des peines allant jusqu’à 30 années de réclusion à l’issue d’un maxiprocès de plus de 300 membres présumés de la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise. Au total, près de 5000 années de réclusion avaient été requises contre 322 accusés, petites mains et parrains de la pieuvre calabraise, ainsi que leurs complices en col blanc, fonctionnaires, élus locaux et même policiers de haut rang.
Précisément, 207 personnes ont été reconnues coupables et condamnées, tandis que 131 ont été acquittées. Les condamnations, lues par la juge Brigida Cavasino, vont de quelques mois à 30 ans de réclusion, une peine écopée par quatre personnes. L’un des accusés les plus en vue, l’ex-sénateur Giancarlo Pittelli, 70 ans, a été condamné à onze ans de prison, alors que le parquet avait demandé une peine de 17 ans.
Basée en Calabre, une région très pauvre située dans la pointe de la Botte italienne, la ‘Ndrangheta est la plus riche et la plus puissante des mafias italiennes, devant Cosa Nostra, en Sicile, et la Camorra napolitaine. Présente dans une quarantaine de pays, elle exerce sur sa terre d’origine une emprise étouffante, infiltrant et corrompant l’administration, tout en faisant régner sa loi de fer sur la population.
Depuis janvier 2021, trois juges ont auditionné, durant des milliers d’heures, des témoins, parmi lesquels une cinquantaine de mafieux repentis devenus collaborateurs de justice, sur les activités de la famille Mancuso et de ses associés, un important clan de la ‘Ndrangheta contrôlant la province de Vibo Valentia.
Armes cachées dans des cimetières ou des ambulances
Ce maxiprocès organisé dans un bunker, sous haute surveillance, dans la ville de Lamezia Terme est le plus important contre la mafia, depuis plus de 30 ans. Les chefs d’accusation sont nombreux: association mafieuse, trafic de drogue, extorsion, usure, blanchiment d’argent sale…
Au cours du procès, les accusés ont détaillé le fonctionnement violent de la ‘Ndrangheta, son emprise sur la population locale, l’extorsion, le trucage des appels d’offres et des élections, voire l’acquisition d’armes. Ils ont révélé des secrets sur des caches d’armes dans des cimetières ou des ambulances servant au transport de drogue, et dévoilé comment l’eau municipale était détournée pour arroser des plantations de marijuana.
Lundi matin, à l’ouverture de l’audience, un entrepreneur victime de la mafia est venu, comme chaque semaine depuis le début du procès, pour exprimer son soutien «à ceux qui nous aident à nous libérer, les juges et les procureurs». Rocco Mangiardi, 67 ans, a cependant dit regretter «le silence assourdissant» des médias italiens sur cette affaire.
Ceux qui s’opposent à la mafia sont menacés, voire éliminés. Ils découvrent sur le seuil de leur porte des chiots morts, des têtes de chèvre ou même de dauphin. Sans parler des voitures incendiées ou des devantures de magasins saccagées. Certains sont aussi passés à tabac ou visés par des tirs, d’autres disparaissent à jamais.
«Je ne crois pas qu’une opération suffise à détruire la ‘Ndrangheta»
Aujourd’hui, les experts estiment que la ‘Ndrangheta, composée d’environ 150 familles calabraises, réalise un chiffre d’affaires annuel d’une cinquantaine de milliards d’euros, à travers le monde. Avec l’aide d’Interpol, l’Italie est parvenue, ces dernières années, à resserrer son étau sur le réseau criminel, entraînant les polices du monde entier à reconnaître les activités de la ‘Ndrangheta sur leur territoire et à s’y attaquer.
Mais en dépit de son envergure, ce procès ne devrait pas bouleverser les activités de l’organisation, selon les experts. «Je ne crois pas qu’une opération de police suffise à détruire la ‘Ndrangheta», estime ainsi Antonio Nicaso, qui met en avant d’autres priorités: emploi, éducation et changement des mentalités. «C’est de cela dont on a besoin pour attaquer une organisation criminelle.»