Affaire Mike Ben PeterL’audition du numéro deux de la police lausannoise part en vrille
Appelé en tant que témoin dans le procès des six policiers accusés d’homicide, le major Stéphane Dumoulin s’est retrouvé au centre d’une intense polémique.
- par
- Xavier Fernandez
Mardi matin, à Renens, les débats ont pris une tournure inattendue durant l’audition du major Stéphane Dumoulin, chef opérationnel de la police de Lausanne et remplaçant du commandant. Alors qu’il s’exprimait en tant que témoin dans le cadre du deuxième jour du procès des six policiers accusés d’homicide après la mort de Mike Ben Peter, il s’est retrouvé au milieu d’une joute verbale entre les avocats de la défense et celui de la partie civile, ainsi que le président du tribunal. À tel point que l’audience a dû être suspendue pour que chacun retrouve son calme.
Tout d’abord, Me Simon Ntah, avocat de la famille de la victime, s’est opposé à l’audition du numéro deux de la police lausannoise, estimant qu’il n’avait pas vu les faits et qu’il n’était pas non plus un témoin de moralité. Les avocats des policiers ont néanmoins obtenu qu’il soit entendu, en particulier pour qu’il puisse faire part de son expérience du métier. Il a donc pu répondre à leurs questions, expliquant notamment que l’interpellation de Mike Ben Peter ayant conduit à sa mort s’était produite dans le cadre de l’opération Bermudes (lire encadré).
«Une personne est morte, mais tout va bien!»
Mais tout est parti en vrille lorsque Me Ntah s’est livré à son propre interrogatoire. En particulier après que Stéphane Dumoulin a expliqué: «Toutes les situations problématiques font l’objet d’une analyse, y compris les cas qui nous remontent de l’étranger. On sait que tout moyen de contrainte comporte un certain nombre de risques. Pour l’immobilisation au sol, la pratique n’a pas changé. Des sensibilisations ont toutefois été faites et on en a beaucoup parlé. À l’étranger, des polices ont choisi de renoncer à ce corps à corps, mais elles disposent de tasers. En termes de mesures concernant les policiers impliqués dans cette affaire, le commandant de l’époque a décidé de respecter la présomption d’innocence.»
Ces réponses ont irrité Me Ntah, qui s’est permis de nouvelles questions qui ressemblaient fortement à des reproches, comme: «Une personne est morte, mais tout va bien! On ne change rien?» Le président du tribunal a rappelé à l’ordre l’avocat, mais la tension n’a fait qu’empirer. Alors qu’il interrogeait le major sur les bonnes pratiques policières, les avocats des accusés sont intervenus pour souligner que l’officier n’était pas là pour s’exprimer sur ces questions. Le président a aussi estimé que ces questions étaient hors contexte et ne les a pas autorisées. «Je vais vous récuser», a menacé Me Ntah. Tous les avocats ou presque y sont allés de leur petit commentaire, la séance a été suspendue et, pour finir, elle n’a repris qu’après que tout ce petit monde s’est expliqué, loin des oreilles du public et de la presse.
La réponse au deal de rue
L’opération Bermudes a fait suite à «la crise médiatico-politique survenue en 2011, relative au deal de rue, la mendicité et les cambriolages, les bagarres et les incivilités. À cette époque, Lausanne était la première ville criminelle selon l’Office fédéral de la statistique. Bermudes était concrètement une opération de visibilité et de dissuasion en lien avec le deal de rue, qui était important sur les grandes places, dont celle de la Gare. Ainsi, les policiers se montraient de 7 h à 23 h pour rassurer la population», a expliqué Stéphane Dumoulin.