Session - L’initative contre les exportations d’armes sera retirée

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SessionL’initative contre les exportations d’armes sera retirée

Le National a suivi le Conseil des États en rejetant l’initiative contre les exportations d’armes dans des pays en guerre, mais en acceptant le contre-projet corrigé par les sénateurs, soit sans clause dérogatoire pour le Conseil fédéral. Les initiants sont satisfaits.

Christine Talos
par
Christine Talos

Tamedia

Les conditions pour exporter des armes vont être durcies, mais pas inscrites dans la Constitution. Le National a rejeté mercredi par 105 voix contre 88 l’initiative dite «correctrice» au profit du contre-projet du Conseil fédéral. Mais il a en tout point suivi, par 110 voix contre 76, la version du Conseil des États qui avait choisi en juin dernier de biffer une clause dérogatoire prévue par le Conseil fédéral qui devait lui offrir une marge de manœuvre dans des circonstances exceptionnelles.

C'est un grand jour pour une politique de paix suisse crédible, a indiqué la coalition après la décision de la Chambre du peuple. «Le Parlement a repris et mis en œuvre toutes ses principales préoccupations. L'initiative sera donc retirée».

Pour rappel, l’initiative «contre les exportations d’armes dans des pays en proie à la guerre civile» a été déposée en 2019 par une coalition réunissant des politiciens de la gauche, du Centre et des Vert’libéraux. Elle veut interdire les exportations de matériel de guerre vers les pays impliqués dans un conflit armé. Les pays violant les droits humains ou qui pourraient agir comme intermédiaire ne pourraient pas non plus acquérir d’armes. Les critères d’autorisation des exportations seraient inscrits dans la Constitution. Le Conseil fédéral et le Parlement ne pourraient plus les modifier. Toute adaptation serait soumise à l’approbation du peuple et des cantons.

Pas de clause, même plus stricte

Jugeant que l’initiative allait trop loin, le Conseil fédéral avait élaboré un contre-projet indirect qui répondait aux principales demandes des initiants et qui a donc satisfait les deux Chambres. Mais il y avait prévu une clause dérogatoire lui donnant la compétence de s’écarter des critères d’autorisation en cas de circonstances exceptionnelles, «si la sauvegarde des intérêts du pays en matière de politique étrangère ou de politique de sécurité l’exige». Une clause supprimée par le Conseil des États qui estimait qu’il s’agissait d’un chèque en blanc. Un avis partagé par le National qui a donc lui aussi biffé la clause.

Les députés ont par ailleurs refusé par 96 voix contre 91 de suivre leur commission qui proposait elle un compromis en maintenant cette clause dérogatoire, mais en la rendant plus stricte, ce qui aurait permis au Conseil fédéral de faire des exceptions pour des États démocratiques disposant d’un régime de contrôle des exportations comparable à celui de la Suisse. Soit de conserver une certaine marge de manœuvre et de souplesse, notamment en ce qui concerne les affaires compensatoires. Mais pour ses opposants, le terme d’États démocratiques n’est pas clair. «Que signifie "pays démocratiques"? Cela inclut-il le Brésil? Ou la Turquie? Ou le Qatar? Le libellé est très vague», avait ainsi souligné Priska Seiler-Graf (PS/ZH).

Désaveu pour Guy Parmelin

C’est donc un désaveu pour le ministre de l’Économie Guy Parmelin. En effet, le Vaudois s’est démené à la tribune pour demander aux députés de voter en faveur du contre-projet du Conseil fédéral, ou au moins pour la version de la commission au National. «Le contre-projet des États est devenu plus strict que l’initiative elle-même», a-t-il reproché. «Or la compétence dérogatoire est primordiale, parce qu’elle permet au Conseil fédéral de réagir rapidement en cas de besoin», a-t-il insisté. «Cette flexibilité est importante pour adapter la politique d’exportation de matériel de guerre à l’évolution des circonstances en tenant compte des intérêts supérieurs de la Suisse en matière de sécurité et de politique étrangère».

Le ministre a aussi rappelé que le Conseil fédéral ne pouvait déroger aux critères d’autorisation que pour une période limitée ou au cas par cas, en cas d’urgence temporelle, et dans un cadre légal strictement défini. «La compétence dérogatoire ne devient donc pas, contrairement à ce que certains disent, la règle», a-t-il souligné.

«Cette marge de manoeuvre est particulièrement importante dans le cas où un pays occidental, avec lequel nous avons contracté des obligations de compensation dans le cadre des acquisitions de l'armée suisse, serait impliqué dans un conflit armé», a expliqué Guy Parmelin. «Sans compétence dérogatoire telle que proposée par le Conseil fédéral, aucune demande d'exportation, même pas d'exportation de pièces détachées et d'éléments d'assemblage à des entreprises de défense étrangère dans le cadre des transactions des affaires compensatoires, ne peut être approuvée vers un pays impliqué dans un conflit armé, a-il précisé. «Cela aurait un impact sur les futures acquisitions de l'armée suisse. Cela aurait des conséquences sur nos relations en tant que partenaire fiable avec des pays démocratiques voisins, par exemple», a prévenu en vain le Vaudois.

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