Meurtre de Khashoggi: «Le prince héritier saoudien bénéficie d’une immunité», déclare Washington

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Meurtre de Khashoggi«Le prince héritier saoudien bénéficie d’une immunité», déclare Washington

Les poursuites engagées au civil aux Etats-Unis contre Mohammed ben Salmane se sont heurtées à une recommandation de l’administration Biden, jeudi. 

Poursuivi au civil devant un tribunal de Washington pour le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane bénéficie d’une immunité judiciaire, a estimé le gouvernement américain dans un document déposé jeudi. «Les Etats-Unis informent respectueusement le tribunal que le défendeur Mohammed ben Salmane, Premier ministre du Royaume d’Arabie saoudite, est le chef de gouvernement en exercice et, par conséquent, bénéficie d’une immunité contre ces poursuites», indique cet argumentaire signé par l’administration du président Joe Biden.

«Jamal est mort une deuxième fois aujourd’hui»

Le prince, surnommé MBS, a été nommé Premier ministre par décret royal fin septembre, faisant naître des spéculations selon lesquelles il cherchait à se prémunir de plaintes déposées devant des tribunaux étrangers – et notamment une action au civil lancée aux Etats-Unis par Hatice Cengiz, la fiancée turque du journaliste assassiné à Istanbul. Cette dernière a posté en réaction une série de messages courroucés sur Twitter: «Jamal est mort une deuxième fois aujourd’hui», a-t-elle écrit. «Personne ne s’attendait à une telle décision. Nous pensions que peut-être la justice des Etats-Unis apporterait sa lumière. Mais encore une fois, l’argent a parlé le premier», a insisté Hatice Cengiz.

Le meurtre en 2018 de Jamal Khashoggi, un proche du pouvoir saoudien devenu critique par la suite, dans le consulat du royaume à Istanbul (Turquie), avait temporairement fait du prince un paria en Occident. Ses avocats avaient précédemment argué que Mohammed ben Salmane «siège au sommet du gouvernement d’Arabie saoudite» et qu’il doit donc bénéficier de l’immunité que les tribunaux américains accordent aux chefs d’Etat et autres dirigeants étrangers de haut rang. Le gouvernement américain avait jusqu’à jeudi pour donner son opinion sur le sujet, s’il choisissait d’en donner une. Sa recommandation n’a pas de caractère contraignant pour le tribunal. Le texte ajoute néanmoins que «le département d’Etat ne se prononce pas sur les mérites de cette procédure et réitère sa condamnation sans équivoque du meurtre odieux de Jamal Khashoggi».

«Profonde trahison»

Cette recommandation a déclenché la colère parmi les partisans de l’action de Mme Gengiz, dont des membres de Democracy for the Arab World Now (DAWN), une ONG basée aux Etats-Unis et fondée par Jamal Khashoggi. «L’administration Biden a dépassé les bornes en recommandant l’immunité pour MBS et lui évitant de rendre des comptes», a estimé Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de DAWN. «Maintenant que Joe Biden a déclaré qu’il avait l’immunité totale, nous pouvons nous attendre à ce que les attaques de MBS contre les gens de notre pays empirent encore». Agnès Callamard, secrétaire générale de l’ONG Amnesty International, a qualifié la recommandation du gouvernement américain de «profonde trahison».

Le prince, qui est le dirigeant de facto du royaume depuis plusieurs années, a été vice-Premier ministre et ministre de la Défense sous le règne de son père, le roi Salmane. Après une période relative de mise à l’écart après le meurtre du journaliste, il est revenu sur la scène internationale cette année, notamment grâce au président américain, qui s’est rendu en Arabie saoudite en juillet alors qu’il avait précédemment juré de faire du royaume un «paria».

L’immunité judiciaire du prince n’a «rien à voir» avec les relations avec Ryad

(AFP)

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