CommentaireF-35: le peuple suisse doit avoir le dernier mot
La polémique enfle autour de l’avion de combat. Dans le respect des institutions, son achat exigerait une légitimation populaire plutôt qu’un passage en force.
- par
- Eric Felley
Le dossier de l’achat du F-35 se trouve dans des eaux de plus en plus troubles. D’une part, l’avion fait l’objet de nombreuses réserves aux États-Unis sur sa fiabilité, ses capacités de vol, sa maintenance et son coût. D’autre part, son processus d’acquisition par la Suisse est de plus en plus critiqué. La Confédération doit encore signer le contrat d’achat. La situation est devenue stressante. Si elle ne le fait pas d’ici à fin mars 2023, elle va perdre un créneau de production et devra attendre des années supplémentaires pour avoir ses avions.
Précipitation en question
À Berne, la majorité bourgeoise veut foncer. Dans les suites de la guerre en Ukraine, la droite a resserré les rangs derrière la défense nationale. En juin, les Chambres ont voté pour 10,5 milliards d’investissements supplémentaires d’ici à 2030. Ce qui est bien davantage que les 6 milliards prévus pour les avions. Au Conseil fédéral et au Parlement, cette même majorité demande que la Suisse signe avant la date butoir du 31 mars 2023. Cette précipitation peut être due au souci d’assurer la défense aérienne le plus rapidement possible. Elle est peut-être aussi un indice dans le sens de la thèse du conseiller national Pierre-Alain Fridez sur un «complot» à Berne en faveur de l’avion américain.
Respect des droits populaires
Dans un cas comme dans l’autre, l’initiative Stop F-35 sera déposée la semaine prochaine à Berne provoquant un cas de figure inédit. Qu’est-ce qui est le plus important pour ce pays? Acheter des avions le plus vite possible ou respecter les droits populaires? Il semble que la réponse est évidente. Les seconds doivent passer avant, au risque de créer un précédent sous le signe d’une urgence, qui n’est pas si évidente que cela.
Une votation le 12 mars 2023?
Une solution pragmatique pourrait se dessiner à Berne, si les bonnes volontés s’accordent. Le Conseil fédéral et Parlement peuvent mettre le turbo pour traiter l’initiative dès le mois de septembre et surtout durant la session de décembre. L’objet pourrait être à l’ordre du jour des votations fédérales prévues le 12 mars prochain, dans le temps qu’il faut pour signer le contrat.
Quitte ou double
En cas de «non» à l’initiative, la légitimité de l’achat du F-35 ne fera plus de doute. La conseillère fédérale Viola Amherd pourra continuer sur ce dossier la tête haute et les coudées franches. Si l’initiative est acceptée, elle devra reprendre le dossier avec un autre avion. Bien sûr, le résultat risque d’être serré à l’image de celui de la votation du 27 septembre 2020, qui s’est joué à 8000 voix en faveur des avions.
Mais vouloir passer en force, en faisant fi des droits populaires, ce serait montrer que l’on a peur du peuple. Ou que l’on n’a pas assez confiance en ses propres arguments.