FootballCommentaire: Servette n’est pas encore prêt à être champion
Alors que le Servette FC n’a jamais été aussi proche du titre de champion de Suisse depuis le début du siècle, voici pourquoi ce n’est pas forcément une bonne idée d’aller au bout cette année.
- par
- Florian Müller
Dans chaque euphorie, il en faut toujours un pour jouer les rabat-joie: présent! L’épopée nationale et européenne du Servette FC invite à tous les fantasmes. À écouter les plus illuminés, il s’agirait pour le club du bout du lac d’endosser le rôle de favori au titre de champion, voire de parader en bus à impériale jusqu’à Times Square.
Friendly disclamer: si vous aimez vous bercer d’illusions, ne lisez pas cet article. Ici, on défendra une idée pas forcément populaire: pour le Servette FC, ce n’est pas une bonne idée de soulever le trophée de champion de Suisse cette année.
Pourquoi? Tout simplement parce que c’est trop tôt. Trop tôt s’il entend s’établir comme le nouveau YB - ou l’ancien FC Bâle – et régner sur le championnat suisse pour plusieurs saisons. Voilà en quoi doit consister son ambition, discrète et humble. Pas question de viser le coup d’un soir, façon FC Zurich en 2022, pour s’effondrer dès l'entame de la saison suivante, lutter contre la relégation et tout recommencer à zéro.
Pour savoir si le Servette FC a les crampons assez solides pour ambitionner de devenir l’étendard du football suisse à moyen et long terme, il est des indicateurs qui ne trompent pas.
Sportivement d’abord. C’est peut-être un peu vache de le rappeler, tant tous ces hommes ont su franchir un immense palier qualitatif en quelques années, mais la colonne vertébrale de l’équipe du Servette FC est formée par des joueurs de Challenge League. Frick, Rouiller, Cognat, Stevanovic, Antunes et on en passe, ont tous été enrôlés dans la première équipe pour faire face à une adversité et une intensité toute autre que celle qui leur est proposée actuellement.
Pour le coup, il s’agit de ne vexer personne - promis. Mais ce simple constat suffit à noter que Servette et ses hommes forts ont grandi très vite depuis la promotion de 2019. Trop vite?
Administrativement ensuite. Faut-il ici rappeler le couac monumental, pour ne pas dire la faute professionnelle grave, qui a conduit le club à devoir se priver de certains de ses renforts hivernaux? Il s’agissait d’envoyer un e-mail, à la bonne heure, à la bonne personne, soit à peu près le niveau de qualification que l’on exige d’un apprenti de première année. Cela pourrait n’être qu’un cas isolé, quand bien même, il a suffi pour discréditer le club sur la scène continentale.
Comment prétendre devenir la référence suisse en matière de football si les bases des démarches administratives, certes un poil archaïques, ne sont pas maîtrisées? Là encore, il s’agit d’éviter de se lever trop vite pour ne pas avoir la tête qui tourne.
Logistiquement enfin. Ce n’est pas parce qu’il y avait rupture de stock de frites à la 60e minute du derby face à Lausanne dimanche, et que le fiston nous l’a fait payer toute l’aprèm, mais quand même… Il suffit de se rendre à un match au Stade de Suisse à Berne pour mesurer l’écart qui sépare encore Genève de ce qui se fait de mieux en Suisse.
Il faut certes louer le chemin parcouru: Servette a fait beaucoup de progrès dans sa capacité d'accueil au Stade de Genève, reste qu’elle n’est pas encore digne d’un champion.
Conclusion positive. Le temps est un facteur inhérent à tout processus de croissance. Pour Servette, peut-être dépassé par des résultats qui l'appellent vers les sommets plus tôt que prévu, il s’agit de ne rien précipiter, surtout dans les saines ambitions. Mais de prendre le temps de grandir sereinement.
Maintenant, s’il faut absolument être champion dès cette année, 25 ans après le dernier titre romand, personne à Genève ne crachera dans la marmite. Et sinon, les Genevois pourront toujours relire cet article pour se mettre du baume au cœur.