Football: On a croisé Milaim Rama, le premier Kosovar sous le maillot suisse

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FootballOn a croisé Milaim Rama, le premier Kosovar sous le maillot suisse

Il y a vingt ans, il a ouvert la porte à tous les autres. On est tombé sur lui à Pristina. Il raconte, il se souvient, avant le Kosovo-Suisse de ce samedi soir.

Daniel Visentini Pristina
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Daniel Visentini Pristina
Milaim Rama a aujourd’hui 47 ans. Il y a vingt ans, il était le premier Kosovar à jouer pour la Suisse, appelé par Köbi Kuhn. Il est à Pristina pour supporter ses deux pays de cœur lors du Kosovo-Suisse de ce samedi soir.

Milaim Rama a aujourd’hui 47 ans. Il y a vingt ans, il était le premier Kosovar à jouer pour la Suisse, appelé par Köbi Kuhn. Il est à Pristina pour supporter ses deux pays de cœur lors du Kosovo-Suisse de ce samedi soir.

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Quatre personnes qui grimpent dans les escaliers d’un petit hôtel du centre de Pristina, bagages à la main, vendredi soir. Les regards qui se croisent. Et qui se figent: on en connaît un. Lui aussi s’arrête. Se retourne. «On s’est déjà vus, non?», dit-il en… allemand. Oui, on s’est déjà vus. Plusieurs fois.

À 47 ans, Milaim Rama n’a pas changé. Toujours le même sourire désarmant. Il y a vingt ans, il a été le premier joueur suisse d’origine kosovare à avoir été appelé en équipe de Suisse. C’était avant l’Euro 2004 au Portugal, où il jouera quelques minutes en fin de rencontre face à la France. Rama était cet attaquant qui explosait à Thoune, on l’avait alors longuement rencontré au Lachen, l’ancien stade des Oberlandais, avant de le recroiser souvent. Le monde est petit.

Après une soirée en famille, à une heure de route de la capitale, il est de retour ce samedi matin. Prêt à parler du Kosovo, de la Suisse, lui qui restera le pionnier pour les Behrami (qui devait le suivre), Dzemaili, Mehmedi et bien sûr Xhaka, Shaqiri et Cie. Le temps de saluer un homme qui le reconnaît et lui dit son admiration et l’ex-buteur, qui a mis fin à sa carrière en 2012, est prêt à discuter.

Milaim, cela fait quoi d’être le pionnier de tous ceux qui ont suivi après vous en équipe de Suisse?

J’en suis fier. J’ai ouvert une porte, montré le chemin. L’Albanie m’avait aussi approché, mais ce n’était qu’un petit contact, sans suite. Et puis lors de l’hiver 2002-2003, Köbi Kuhn est venu me rencontrer. C’était incroyable. Cela marchait bien pour moi à Thoune. Il m’a dit que si je continuais à être performant, tout serait possible. Je devais continuer à marquer des buts. J’ai continué à marquer des buts. Et j’ai été appelé sous le maillot suisse. Et même pour l’Euro 2004 au Portugal.

Milaim Rama sous le maillot de l’équipe de Suisse, en 2004, contre la Slovénie.

Milaim Rama sous le maillot de l’équipe de Suisse, en 2004, contre la Slovénie.

ERIC LAGARGUE

Sept bouts de matches disputés avec la sélection helvétique, mais aucun but marqué: le seul regret?

Oui. J’aurais été heureux d’avoir un peu plus de temps de jeu et bien sûr d’inscrire au moins un but pour la Suisse. Mais j’étais parmi les meilleurs joueurs suisses, c’était un rêve. Vraiment. Certains doivent se contenter d’en rêver seulement. Moi, je l’ai vécu. C’était beau. Indescriptible. Le plus beau moment de ma carrière.

Depuis, beaucoup de joueurs d’origine albanaise ou kosovare ont suivi en sélection. Et pas des moindres. Quel est votre regard sur eux et sur la Suisse?

C’est magnifique. Ici, tout le monde est très fier d’eux. De ce qu’ils ont accompli avec la Suisse. Tout le monde supporte d’ailleurs la Suisse quand elle joue, précisément pour cela.

En 2016, quand le Kosovo a été reconnu par la FIFA et ensuite l’UEFA, beaucoup de joueurs auraient pu changer d’équipe nationale et choisir le Kosovo…

C’était sans doute un moment compliqué. Je ne l’ai pas vécu, j’avais déjà mis un terme à ma carrière et, franchement, je ne sais pas ce que j’aurais décidé si j’avais été confronté à ce choix. Quand tu y penses, c’était une nouvelle sélection qui existait et tu te dis que si tous les meilleurs joueurs kosovars avaient décidé tous ensemble de se lancer, cela aurait été une sacrée équipe. Mais comment leur en vouloir? Il y a peut-être eu une petite part de déception au début. Mais la Suisse a, par exemple, tout donné aux Behrami, Shaqiri, Xhaka. Ils ont grandi en Suisse. Et en 2016, ils avaient le choix entre un Euro avec la Suisse, en France, ou rien avec le Kosovo. Cela ne me pose pas de problème. Aujourd’hui, tout le monde reste fier de ce qu’ils font avec la Suisse.

Un mot sur ce Kosovo-Suisse de ce samedi soir: quand on voit le potentiel individuel, on se dit que le Kosovo devrait être meilleur, non?

Trop de facteurs émotionnels! Quand cela fonctionne lors d’un match, tout le monde s’en félicite et croit qu’un progrès a été accompli. Alors qu’il faut aller au-delà pour franchir un cap. C’est une discipline collective qui fait encore défaut. Le Kosovo est encore un enfant, qui doit encore grandir.

Qui supporterez-vous ce samedi soir?

Oh… Je crois que je vais tenir pour les deux équipes (rires). J’espère qu’il y aura un bon match, avec une belle ambiance. Et je serai heureux du résultat, quoi qu’il arrive.

Vous avez 47 ans aujourd’hui: que faites-vous désormais?

Je travaille dans un bureau de crédit et d’assurance. Je suis entraîneur-assistant au FC Kosova Zurich en 1re Ligue. Et je suis aussi agent de joueurs. J’habite à Widen maintenant, dans le canton d’Argovie. Et je ne voulais pas manquer ce Kosovo-Suisse, alors je suis là.

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