BanquesCredit Suisse dévoile enfin son plan de redressement
Le patron de Credit Suisse, Ulrich Körner, dévoilera jeudi le remède qu’il réserve à la deuxième banque du pays pour la remettre sur pied, après une série de scandales et de faux pas.
Analystes, agences de notation, régulateurs bancaires et petits porteurs auront les yeux rivés sur les projets de ce banquier considéré comme un spécialiste des restructurations qui avait cent jours pour diagnostiquer ce qui ronge l’institution.
Face au silence, les spéculations vont bon train sur la teneur du plan: des milliers de suppressions d’emplois semblent acquises, des cessions ou une augmentation de capital pour financer la restructuration pourraient aussi être annoncées.
Le montant des capitaux dont la banque pourrait avoir besoin est estimé entre 4 et 9 milliards de francs (le même montant en euros), selon les différents spécialistes du secteur. Ceux de Barclays jugent qu’il faudra «lever entre 6 et 9 milliards de francs avant cessions pour mettre en œuvre un plan de restructuration crédible».
La banque pourrait vendre des actifs afin d’attendre de meilleures conditions pour lancer une augmentation de capital, selon Flora Bocahut, analyste chez Jefferies.
Les rumeurs portent en particulier sur les produits titrisés, des produits structurés qui permettent de transformer des actifs peu liquides en titres pouvant être vendus sur les marchés financiers. Selon le «Wall Street Journal», la banque serait sur le point de sceller leur vente bien qu’il s’agisse d’une activité très rentable.
«Des changements stratégiques doivent se produire», a insisté Flora Bocahut alors que la banque, à force de pertes va finir par ne plus atteindre ses objectifs de solvabilité à moyen terme.
Un marché peu porteur
Le contexte de marché est toutefois peu porteur. Mardi, la grande rivale suisse UBS a comme les grandes banques d’affaires américaines fait état d’une baisse de ses revenus dans sa banque d’investissement.
Au troisième trimestre, la forte volatilité des marchés depuis la guerre en Ukraine et les craintes de récession ont freiné la demande pour les opérations telles que les émissions d’emprunts, introductions en Bourse ou fusions et acquisitions.
«L’environnement économique qui se détériore rapidement et les récentes turbulences de marché pourraient compliquer la mise en œuvre des plans de restructuration de la direction», avait averti début octobre l’agence de notation Standard & Poor’s.
Mauvaises affaires
Lors de ce point stratégique, l’attention se portera en particulier sur la banque d’affaires dont les investisseurs réclament une réforme depuis plusieurs années.
Gourmande en capitaux, elle a été la source de lourdes pertes qui ont fait plonger les comptes de Credit Suisse dans le rouge, éclipsant ses autres activités considérées comme plus stables, comme la gestion de fortune ou sa banque suisse, qui regroupe ses activités domestiques.
En 2021, la banque d’affaires avait essuyé une perte de 3,7 milliards de francs avant d’enchaîner sur une perte de 992 millions au premier semestre 2022.
En mars 2021, Credit Suisse, le numéro deux du secteur bancaire helvétique, a été secoué coup sur coup par la faillite de la société financière britannique Greensill, dans laquelle 10 milliards de dollars avaient été engagés, puis par l’implosion du fonds américain Archegos, qui lui a coûté plus de 5 milliards de dollars.
Moins que le «prix d’un café»
Sept mois plus tard, s’y étaient ajoutés 475 millions de dollars de pénalités imposées par les autorités américaines et britanniques pour ses prêts au Mozambique, au cœur d’une affaire de corruption.
Une réorganisation avait déjà été lancée l’an passé, mais s’était soldée par le départ d’un éphémère président, puis par la démission du précédent directeur général après 23 ans de carrière au sein de Credit Suisse, dont deux ans à la tête du groupe.
Début octobre, les discussions se sont enflammées sur Twitter, évoquant «un moment Lehman Brothers», en référence à la banque américaine dont la faillite avait été le déclencheur de la crise financière de 2008.
Si de nombreux spécialistes jugent une faillite de Credit Suisse hautement improbable, ces rumeurs avaient fait plonger le cours de son action, tombée à 3,158 francs suisses, soit moins que «le prix d’un café» a fustigé le magazine suisse l’Illustré.