Conflit israélo-palestinien«Un énorme échec du système de renseignement» israélien
Si les services israéliens n’ont pas vu venir l’offensive sanglante du Hamas contre leur pays, c’est à cause d’une incompréhension totale du groupe islamiste palestinien, selon des experts.
Israël a été totalement pris de court samedi, à l’aube, quand le Hamas a tiré des milliers de roquettes depuis la bande de Gaza et envoyé sur son sol plus d’un millier de combattants. L’armée a aussitôt déployé des dizaines de milliers de soldats pour reprendre la main face au Hamas. Ses forces continuent de combattre les Palestiniens retranchés au Sud et son aviation a bombardé des centaines de cibles dans la bande de Gaza.
«Il s’agit d’un énorme échec du système de renseignement et de l’appareil militaire dans les (régions) Sud», limitrophes de Gaza, souligne le général à la retraite Yaakov Amidror, conseiller à la sécurité nationale d’Israël de 2011 à 2013. Mais au-delà de l’échec des réputés services de renseignements israéliens à détecter cette attaque soigneusement préparée ou à la bloquer, l’idée générale conçue par les autorités en Israël, à l’égard du Hamas, était totalement erronée, dit-il.
«Nous avons commis une erreur monumentale, y compris moi-même, en croyant qu’une organisation terroriste pouvait modifier son ADN», affirme Yaakov Amidror, actuellement chercheur au Jerusalem Institute for Strategy and Security. «Nos amis dans le monde entier nous ont dit qu’ils (le Hamas) se comportaient de manière plus responsable et nous avons été stupides de le croire.»
«Grande retenue»
Le Hamas, considéré par Israël, les États-Unis et l’Union européenne comme un groupe «terroriste», contrôle Gaza depuis qu’il en a chassé son rival, le Fatah, en 2007. La charte du Hamas appelle à un État islamique sur l’ensemble des territoires palestiniens. Israël continue d’occuper la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, annexée.
Pour tenter de garantir une trêve durable, Israël avait après la guerre de 2021 augmenté les permis de travail et de commerce accordés aux Gazaouis, avec environ 18’500 travailleurs entrant en Israël, alors qu’environ la moitié de la population est au chômage à Gaza. Israël a jugé que les incitations économiques étaient un moyen de maintenir le calme.
Le 1er octobre, le conseiller à la sécurité nationale d’Israël, Tzachi Hanegbi, affirmait ainsi que le Hamas n’avait, ces deux dernières années, initié selon lui aucun tir de roquette. «Le Hamas fait preuve d’une grande retenue» et connaît le prix d’une éventuelle escalade, a-t-il dit à la radio militaire.
«Méprise totale»
Pour Michael Milshtein, directeur du Forum d’études palestiniennes à l’Université de Tel-Aviv, de tels propos montrent «que nous avions une idée totalement erronée du Hamas». «La notion d’incitations économiques susceptibles de diminuer la motivation du Hamas à commettre des actes terroristes ou même de pousser l’opinion publique (palestinienne) à s’opposer au mouvement s’est totalement effondrée», déclare-t-il.
«Vous avez affaire à une organisation idéologique radicale, pensez-vous vraiment pouvoir racheter leur idéologie? La modifier? C’est une méprise totale, et probablement un vœu pieux», estime Michael Milshtein. Entre-temps, «ils gagnaient en force et préparaient la prochaine étape de leur guerre». Cet officier du renseignement à la retraite affirme que la direction du Hamas proclamait publiquement son intention de mener une offensive comme celle de samedi.
«L’opération était préparée depuis près d’un an, ce qui est incroyable, car durant cette année Israël a continué d’augmenter le nombre de permis de travail (octroyés aux Palestiniens) et les concessions», d’après lui. «Le point de vue d’Israël était que le Hamas ne voulait pas d’escalade», alors que «le message était clair, mais ils (les responsables) ne voulaient pas y croire», juge-t-il.