Vaud - Restauratrice anti-pass: un coup d’éclat qui coûte cher

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VaudRestauratrice anti-pass: un coup d’éclat qui coûte cher

Condamnée pour avoir refusé de contrôler le pass sanitaire de ses clients, une Vaudoise devra payer l’amende salée qui lui a été infligée.

Jonathan Zalts
par
Jonathan Zalts
Lynn Dardenne, 42 ans, avait averti la Police du commerce de son refus de se soumettre aux mesures.

Lynn Dardenne, 42 ans, avait averti la Police du commerce de son refus de se soumettre aux mesures.

20min/Marvin Ancian

Elle l’avait annoncé et assumé: elle ne contrôlerait pas le pass sanitaire de ses clients et ne les contraindrait pas au port du masque. Pour ces faits, Lynn Dardenne, une restauratrice de Montreux (VD), comparaissait ce jeudi avec son oncle devant le Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois. Tous deux étaient sous le coup d’une ordonnance pénale les condamnant à 9000 francs d’amende, répartie à parts égales.

À la juge, elle a affirmé qu’il s’agissait bien là d’un acte militant. «Je ne voulais pas être un engrenage de ce système. Je l’ai fait pour éveiller les consciences», a déclaré la cogérante du café-restaurant Territet & Co. Un coup d’éclat qui avait valu à l’établissement une fermeture administrative fin septembre dernier.

«Injection expérimentale»

Mais Lynn Dardenne n’en démord pas: elle n’a pas souhaité «discriminer» ses clients en fonction de leur obtention ou non d’un pass sanitaire. Surtout si celle-ci était soumise à une vaccination: «Une bonne partie de ma clientèle était contre cette injection expérimentale», explique-t-elle. «Je ne me suis pas du tout vue trier les gens. Ça me rappelle ce qui s’était passé pendant la 2e guerre mondiale».

La restauratrice, ex-PLR et candidate au Conseil d’État vaudois, n’en pense pas moins du port du masque obligatoire. Pour appuyer son propos, elle cite de nombreuses études remettant en question l’efficacité du cache-nez ainsi que celle du vaccin. Un argument qui n’a pas trouvé écho chez la juge Sandrine Boucher, qui présidait l’audience. «Les études ça me fait gentiment sourire, vous pouvez en trouver qui disent blanc et d’autres qui disent noir», a souligné la magistrate.

«Droits fondamentaux»

Si la fermeture forcée du Territet & Co a coupé ses revenus, Lynn Dardenne met surtout en avant un combat contre «l’arbitraire», avec des mesures qu’elle juge incohérentes. «La liberté ce n’est pas quelque chose sous condition, lance-t-elle. On ne parle pas d’un Code de la route, on parle de la liberté de nos enfants et de nos droits fondamentaux.»

«C’est un discours que l’on a déjà entendu plein de fois et dans plein d’endroits, a rétorqué la juge. Mais il y a des conditions légales qu’il faut respecter, sinon on s’expose à des sanctions.»

Lynn Dardenne aux côtés de son avocat Me Philippe Dal Col (à g.) et de son compagnon Damon Sunier (à d.).

Lynn Dardenne aux côtés de son avocat Me Philippe Dal Col (à g.) et de son compagnon Damon Sunier (à d.).

20min/Marvin Ancian

La restauratrice a finalement déclaré qu’elle n’avait pas l’«assermentation» et qu’elle n’était pas «formée» pour contrôler ni l’identité de ses clients, ni leurs «données médicales» pour savoir s’ils étaient exemptés ou non du port du masque. Dénonçant des statistiques biaisées, elle a ajouté qu’elle aurait «agi différemment» si la mortalité liée à la pandémie était plus élevée. «J’ai deux amis croque-morts, ils me disent qu’il n’y a pas du tout plus de morts» a-t-elle toutefois indiqué.

«Mesures erronées»

Un aspect qu’a repris son avocat Me Philippe Dal Col dans sa plaidoirie. Assurant ne pas faire «le procès des mesures», ce dernier a démarré par un rappel sur la grippe espagnole, qui a fait rage entre 1918 et 1921. Il a notamment cité quelques mesures douteuses qui avaient alors été suggérées pour lutter contre l’épidémie, comme des aspirations nasales d’eau chaude additionnée de Javel. «On prend des mesures qui s’avèrent par la suite erronées», a souligné l’avocat.

Ce dernier a poursuivi en indiquant qu’avec près de six millions de morts, la pandémie n’avait pas engendré de surmortalité. «On n’est pas dans le cas de la grippe espagnole», a-t-il rappelé, la maladie ayant fait près de 50 millions de morts.

Me Dal Col a finalement mis en lumière des lacunes dans la loi sur les épidémies ainsi que dans l’ordonnance Covid-19. Il cite notamment pour exemple la mise en place d’un plan de protection qui y est inscrite, mais pas l’obligation de le faire appliquer. Dénonçant une «cacophonie législative» ainsi qu’un «manque de base légale», il a dès lors plaidé l’acquittement de ses clients.

«Sans vergogne»

À la lecture du jugement, l’argumentaire de la défense a été balayé par la présidente. Cette dernière a jugé «lourde» la culpabilité de Lynn Dardenne et de son oncle. «Les prévenus ont porté atteinte sciemment et sans vergogne à la santé publique». La juge a notamment épinglé le fait que la restauratrice s’était fait la publicité de son refus de se soumettre aux mesures sur les réseaux sociaux.

La magistrate a condamné les deux prévenus à 4500 francs d’amende chacun pour infraction à la loi sur les épidémies, comme le prévoyait l’ordonnance pénale. Tous deux devront également s’acquitter de 550 francs de frais de justice.

Lynn Dardenne envisage pour sa part de faire appel de cette décision. Le délai est fixé à 10 jours. En attendant, elle s’attelle à la réouverture de son établissement, prévue ce vendredi.

Fermé depuis septembre, le café-restaurant Territet & Co s’apprête à rouvrir ses portes à Montreux.

Fermé depuis septembre, le café-restaurant Territet & Co s’apprête à rouvrir ses portes à Montreux.

Lematin.ch/Evelyne Emeri


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