Session d’hiverLe National refuse de doubler le milliard de cohésion pour l’UE
Les députés ont dit non à la proposition de la commission de politique extérieure qui voulait verser un milliard supplémentaire à Bruxelles pour débloquer les relations Suisse-UE.
- par
- Christine Talos
C’était prévisible: Berne ne doublera pas la mise dans le versement du 2e milliard de cohésion à l’Union européenne comme le demandait la politique de commission extérieure du National (CPE-N). En effet, la Chambre du peuple, emmenée par le PLR et l’UDC, a écarté par 93 voix contre 84 cette proposition que rejetait déjà la Commission des finances.
Après le oui du Parlement au 2e milliard de cohésion en septembre dernier (le 1er ayant été versé en 2006), la CPE-N avait lancé le 22 novembre dernier l’idée de doubler la mise à condition que Bruxelles réintègre pleinement la Suisse aux programmes de recherche européens et d’échanges d’étudiants. La proposition était étudiée dans le cadre de l’examen du budget 2022 de la Confédération.
Conseil fédéral «irresponsable»
«Le Conseil fédéral s’est montré irresponsable en mettant fin abruptement aux négociations avec l’UE et la voie bilatérale est toujours bouchée», a relevé Roland Fischer (Vert’lib/LU). «Le Conseil fédéral ne sait manifestement pas comment résoudre cette question institutionnelle», a-t-il ajouté. «Nous sommes choqués de cette incapacité d’agir. Raison pour laquelle la CPE-N souhaite, avec ce milliard, mettre un outil dans les mains de Berne pour lui permettre d’avancer dans ce dossier, a-t-il encore expliqué. «Si le Conseil fédéral n’agit pas, c’est au Parlement de le faire», a-t-il conclu.
Une position partagée par la gauche. «Jusqu’ici la Suisse s’est montrée peu généreuse avec l’UE. Avec cette proposition, elle montrerait qu’elle souhaite s’engager pour l’intégration européenne», a souligné Martina Munz (PS/SH). «Il faut que la Suisse bouge pour mettre fin au blocage car les programmes de recherche souffrent», a ajouté sa collègue Christine Badertscher (Verts/BE).
«On ne peut pas négocier comme cela»
«On ne peut pas négocier comme cela», a de son côté critiqué Heinz Siegenthaler (Centre/BE). «On ne peut pas faire comme la FIFA et envoyer le Conseil fédéral négocier à Bruxelles avec une valise pleine de billets!» s’est-il exclamé. «On ne peut pas changer les règles en cours de jeu», a renchéri Jacques Bourgeois (PLR/FR).
Des avis partagés par Lars Guggisberg (UDC/BE) qui a estimé que la gauche tentait d’acheter la bonne humeur de l’UE. «Cette proposition est maladroite du point de vue de la tactique de négociation, elle n’est pas coordonnée et donc improductive», a-t-il critiqué. «Quel signal envoyons-nous ainsi à l’UE? Elle se demandera qui est notre interlocuteur? Le Parlement, la CPE ou le Conseil fédéral? Nous perdons complètement notre crédibilité», a-t-il tonné.
Ueli Maurer, qui fêtait ses 71 ans ce mercredi, a lui aussi fustigé l’idée de la CPE-N. «Vous reprochez au Conseil fédéral de ne pas avoir de stratégie, avec cette proposition vous prouvez que vous n’en avez pas non plus», a-t-il lancé. Selon le ministre des Finances, ce 3e (au total) milliard de cohésion ne va pas résoudre tous les problèmes. «Je crains qu’il fasse surtout rire Bruxelles, qui risque en outre de ne pas prendre la Suisse au sérieux car elle serait jugée une nouvelle fois imprévisible».
Tous les ajouts ou restrictions biffés
Le budget présenté par le Conseil fédéral prévoit 78,642 milliards de francs de recettes et 80,725 milliards de dépenses. Le déficit se monte à 2,082 milliards de francs. Ce budget, qui respecte le frein aux dépenses, est solide, a souligné Ueli Maurer. Les perspectives à long terme ne sont toutefois pas roses, a averti le ministre des finances, mettant en garde contre l'augmentation de la dette.
Ces mises en garde n'ont pas empêché la Chambre du peuple de proposer quelques augmentations. Plusieurs députés ont souligné que la Suisse est faiblement endettée en comparaison internationale. L'endettement de la Confédération et des cantons s'élève à 28% du PIB, contre plus de 100% pour la zone euro. Suivant le Conseil des Etats, les députés ont notamment accordé une rallonge de 233 millions de francs au fonds d'infrastructure ferroviaire. Cette somme correspond au maximum de la part du produit net de la redevance pour les poids lourds.