FootballComme à Lausanne, les supporters suisses sont passés à l’action
Une opération coordonnée de quatorze groupes ultras helvétiques a pour objectif de démontrer l’absurdité des sanctions collectives. L’idée: se réunir dans des tribunes qui ne leur sont pas dédiées.
Le monde du supportérisme a un nouveau petit jeu, pour lequel il est bien difficile de le blâmer: démontrer que certaines des sanctions prises par les autorités politiques à son égard ont quelque chose d’absurde. Le Stade de la Tuilière était samedi l’une des places du football suisse utilisée pour réaliser une de ces actions.
L’enceinte lausannoise devait pourtant revivre un match «normal», le premier dans ces conditions depuis le derby contre Servette du 9 décembre dernier, lequel avait été émaillé de nombreux incidents ayant conduit à des mesures collectives de part et d’autre de la Versoix. Ainsi, il y a deux semaines, le déplacement de Saint-Gall à Lausanne n’avait été suivi que par un peu plus de 2000 personnes, puisque le Kop Sud avait été fermé et que seuls les abonnés des autres tribunes étaient acceptés.
Pour la réception de Young Boys, en revanche, tout le monde était le bienvenu. Partout. La théorie usuelle veut que les ultras lausannois prennent place dans le Kop Sud, dans la tribune D de la Tuilière, et que les visiteurs se placent dans le parcage qui leur est réservé à l’opposé. L’objectif étant notamment de pouvoir juguler ces derniers, en évitant qu’ils se mêlent au reste du public.
Réunis dans la même tribune!
Sauf que la pratique a fait voler en éclats ces principes non-écrits, mais toujours respectés en temps normal. Ainsi, très tôt samedi avant le coup d’envoi, le Kop Sud avait été condamné, laissant place simplement à une banderole qui portait le message suivant: «Une réponse commune à vos sanctions collectives». Dans le même temps, les ultras lausannois s’étaient déplacés de quelques dizaines de mètres, dans l’un des coins de la tribune latérale attenante.
Les supporters bernois, eux, sont arrivés un peu plus tard. Et contrairement à leurs habitudes, ils ne se sont pas installés dans le secteur qui leur était réservé, où seule une poignée de fans avait pris leur ticket. Les autres, venus en train spécial puis en cortège depuis la gare, ont privilégié un secteur alternatif. En fait, ils se sont placés dans la même tribune que les membres du Kop Sud, dans le coin opposé. Oui! Lausannois et Bernois supportaient leur équipe respective depuis les mêmes gradins! Et ils n’étaient séparés que par quelques centaines de spectateurs qui ont tout de même dû être bien surpris de cette action coordonnée.
Il faut le dire: aucun incident n’a été a priori à déplorer, si ce n’est quelques torches festives allumées côté bernois. Rien de bien méchant. Logique: il aurait été sacrément contre-productif que tout cela se passe mal. Personne n’y avait de toute façon intérêt.
Les raisons exposées
La scène s’est répétée ailleurs en Suisse durant le week-end: en Challenge League vendredi, les supporters de Sion et d’Aarau ont pris le même parti. Ou samedi, à l’occasion de Bâle-Lugano. La Muttenzkurve, la tribune dans laquelle se postent habituellement les supporters rhénans, a communiqué sur l’opération.
L’idée? Considérer que les autorités ont une «perception décalée», alors les tribunes se «décalent» également. «Le modèle des sanctions en escalade prôné par la CCDJP (réd.: La Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police) mène à une impasse. Les actions coordonnées des fans au cours des dernières journées démontrent à quel point les mesures de la CCDJP sont facilement contournables et sont vides de sens.» Aussi, le message a pour vocation d’affirmer que la répression n’est pas de nature à améliorer la situation.
Il faut noter que plusieurs «contre-parcages», ces réunions dans d’autres tribunes que celles dédiées aux ultras, ont eu lieu depuis la reprise du championnat en 2024, afin de contourner les sanctions prises. Dans son communiqué, la Muttenzkurve appelle «au pragmatisme et au dialogue». Et de conclure: «Si vous [la CCDJP] voulez faire sortir des stades les tribunes de supporters, alors nous les déplaçons dans d’autres secteurs […]. Et nous voulons être clairs: nous, les fans, ne serons pas expulsés des stades.» À noter que le communiqué est cosigné par quatorze groupes de supporters en Suisse.
Signe que l’enjeu prend de l’ampleur en Suisse. Et que, peut-être, au-delà de la caricature et des généralités, sans banaliser les actes de violence, un dialogue mérite d’être installé au niveau national.