Jura bernois – Accusé par des élèves, l’enseignant trop tactile a touché le fond

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Jura bernoisAccusé par des élèves, l’enseignant trop tactile a touché le fond

Dénoncé par deux élèves incommodées par ses mains baladeuses, un prof de cuisine est acquitté et indemnisé après deux ans de procédure qui l’ont dégoûté de l’enseignement.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé
L’enseignant a comparu devant le Tribunal régional Jura bernois – Seeland.

L’enseignant a comparu devant le Tribunal régional Jura bernois – Seeland.

lematin.ch/Vincent Donzé

Une caresse sur la joue, une main sur la fesse: c’est décrite en ces termes que la gestuelle d’un enseignant a été dénoncée par deux élèves d’un cours de cuisine, dans un collège de St-Imier. Après l’intervention d’une médiatrice, l’accusation a débordé du cadre scolaire: le 25 novembre 2019, à 11 h 15, la police a interpellé l’enseignant sur son lieu de travail.

Le 26 janvier 2022, l’enseignant a été acquitté et indemnisé par le Tribunal régional Jura bernois – Seeland. La caresse était une petite tape tandis que le geste sur la fesse voulait dire «pousse-toi», devant un four allumé. La main servait à guider les élèves pour «leur montrer comment travailler». Où est l’atteinte à l’intégrité sexuelle?

«Quand je tirais l’oreille. c’était pour dire «reviens avec nous dans le cours». C’est le seul moyen que je trouvais», indique l’enseignant au matin.ch. Les écolières et écoliers de 14 ans n’ont pas tous ressenti de la gêne et le juge n’a rien vu de répréhensible dans des «frôlements pas fait exprès».

Le jugement a été prononcé mercredi matin, à Moutier.

Le jugement a été prononcé mercredi matin, à Moutier.

lematin.ch/Vincent Donzé

Une tape amicale par-ci, un massage d’épaule par-là: l’enseignant d’économie familiale a reconnu «des gestes familiers» inadéquats, mais c’était «pour encourager à continuer». Pour son avocat, tout est question de vocabulaire. Ainsi, «une fessée ne se donne pas du revers de la main». N’empêche: quand il a acheté de la dinde, le prof n’aurait pas dû dire à une élève que ça lui faisait penser à elle. «J’ai dit ça parce qu’elle ne mangeait pas de porc», s’est-il justifié

L’enseignant est ressorti du tribunal avec un casier judiciaire vierge, mais avec un moral plombé: «L’enseignement, c’est fini pour moi, définitivement. Je cherche un emploi dans mon métier de cuisinier», confie-t-il, dégoûté. Les deux années écoulées ont été «deux ans de souffrance» pour ce père dont les enfants sont en âge de scolarité: 25 kilos en moins. un psoriasis en plus… Un médecin a jugé son état anxio-dépressif.

Comment expliquer ce gâchis? Le juge unique Josselin Richard a défini la ligne qui sépare un malaise légitime d’une infraction pénale: l’atteinte à l’intégrité sexuelle n’est jamais commise par négligence: elle doit être intentionnelle. Cette intention d’aiguiser et d’assouvir un appétit sexuel, le juge ne l’a pas constatée. Un comportement peut être inadmissible ou problématique sans pour autant être punissable.

L’école secondaire de St-Imier peut tourner la page.

L’école secondaire de St-Imier peut tourner la page.

Lematin.ch/Vincent Donzé

Avant de relaxer l’enseignant, le juge a rassuré les dénonciatrices: «Il est exclu d’adresser des reproches à des élèves qui ont exprimé leur ressenti!» Les faits dénoncés sont poursuivis d’office et ils étaient «suffisamment établis». Comme l’a souligné le président du tribunal en parlant des écolières, «l’aspect pénal, ce n’est pas leur problème».

En accueillant sa septième volée, l’enseignant au tempérament latin a prévenu ses élèves en leur disant qu’il était «facilement tactile» et qu’ils pouvaient s’en plaindre, mais celles qui ont été perturbées ont eu raison d’en parler à quelqu’un d’autre pour faire cesser le stress subi. L’avocat de l’enseignant en convient: «La réaction était saine, mais destructrice», résume-t-il.

Aucune animosité

«Je n’éprouve aucune animosité envers les dénonciatrices. Je comprends qu’elles soient déstabilisées et je me serais excusé auprès d’elles, mais il m’était interdit de les approcher», confie l’enseignant qui a demandé à son employeur de ne pas renouveler son contrat.

S’il n’a pas enfreint le devoir d’éducation, le cuisinier devenu enseignant a reconnu lui-même avoir «merdé». Pour des actes d’ordre sexuel avec des enfants, le procureur avait requis neuf mois de prison avec sursis. En première instance, le tribunal lui a attribué une indemnité de 10 000 francs.

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