ColombieUn ancien chef de l’armée inculpé pour crime contre l’humanité
Un ancien chef d’état-major colombien a été condamné pour sa responsabilité dans le meurtre et la disparition de 130 civils présentés à tort comme des guérilleros morts au combat.
Un tribunal spécial en Colombie a formellement inculpé mercredi un général à la retraite et ancien chef d’état-major de l’armée de terre, Mario Montoya, de crimes contre l’humanité pour sa responsabilité dans le meurtre et la disparition de 130 civils présentés à tort comme des guérilleros morts au combat.
Mario Montoya, 74 ans, aurait fait pression sur les hommes sous son commandement «pour obtenir des résultats au combat» entre 2002 et 2003, a déclaré lors d’une conférence de presse Catalina Diaz, juge à la Juridiction spéciale pour la paix (JEP), tribunal spécial chargé d’enquêter sur les pires crimes commis pendant le conflit colombien.
Gonfler les statistiques
Selon elle, Mario Montoya est accusé d’avoir «menti sur le nombre de victimes» pour gonfler les statistiques lorsqu’il était à la tête de la IVe brigade de l’armée de terre, qui opérait dans le département d’Antioquia (nord-ouest). Le tribunal, issu de l’accord de paix conclu en 2016 avec la guérilla marxiste des FARC, l’a inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Selon la JEP, qui prévoit des peines alternatives à la prison pour les accusés qui avouent leurs crimes et dédommagent leurs victimes, au moins 6402 personnes ont été tuées dans le cadre de cette pratique, connue sous le nom de «faux positifs», l’un des plus grands scandales impliquant l’armée colombienne durant sa confrontation avec les guérillas d’extrême gauche.
Plusieurs officiers et soldats ont admis devant la JEP leur implication dans ces assassinats de civils souvent abattus de sang-froid. Ces résultats «positifs» leur valaient médailles, permissions et promotions. Mario Montoya a été chef d’état-major de l’armée de terre à partir de 2006 et était l’un des officiers supérieurs les plus proches du président de droite Alvaro Uribe (2002-2010), qui menait alors une féroce offensive contre les FARC.
30 jours pour reconnaître
En 2008, Mario Montoya avait démissionné suite au scandale de ces exécutions qui, selon lui, ont été commises dans son dos. Mais selon la JEP, additionner ces «faux positifs» était devenu un «ordre récurrent» de Montoya, déjà inculpé en 2021 par le bureau du procureur pour 104 homicides entre 2007 et 2008 selon le même modus operandi.
Le général en retraite et huit autres militaires inculpés mercredi ont 30 jours pour reconnaître ou non les faits. Ils devront ensuite admettre la vérité publiquement devant les familles des victimes, avant que la JEP ne prononce sa sentence. La juridiction, qui a également inculpé des chefs des ex-FARC pour des centaines d’enlèvements, n’a pas encore prononcé sa première condamnation depuis sa création en 2017.