Pénurie de Xbox et de PlayStation: les lutins sont fatigués

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Jeux vidéoPénurie de PlayStation et de Xbox: les lutins sont fatigués

Les détaillants suisses tentent de faire une réalité de l’arrivée sous le sapin des consoles nouvelle génération. C’est loin d’être gagné.

Jean-Charles Canet
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Jean-Charles Canet
Vente des premiers stocks de PlayStation 5, en novembre 2020, à Séoul. Un an plus tard en Suisse, les rayons sont vides et les commerces sont en «Rupture de stock».

Vente des premiers stocks de PlayStation 5, en novembre 2020, à Séoul. Un an plus tard en Suisse, les rayons sont vides et les commerces sont en «Rupture de stock».

AFP

Pandémie, pénurie de matière première, pénurie de composant, production au ralenti, engorgement des transports maritimes et forte demande… Tous les éléments sont réunis pour que Noël 2021 passe en mode disette pour de nombreux produits de consommation courante.

Le phénomène est particulièrement sensible sur le marché des consoles de jeux. Et pour cause: en novembre 2020, deux modèles de consoles nouvelle génération ont été introduits: la PlayStation 5 (deux versions, une avec un lecteur de disque, l’autre sans) et les Xbox Series (la X, plus puissante et pourvue d’un lecteur, la S sans lecteur et calibrée pour les écrans dotés d’une définition inférieure à la 4K).

Scénario d’abord classique

À l’exception de la Xbox Series S, un peu moins convoitée, les deux gammes se sont arrachées à leurs lancements respectifs et se sont retrouvées en rupture de stock quelques jours après et parfois avant même leur lancement officiel par l’effet magique des précommandes. Scénario assez classique cela dit, comparable à celui observé lors de la mise sur le marché de la PS4 et de la Xbox One en 2013… sans les attroupements folkloriques 2.0 devant les supermarchés, confinement oblige.

Cela se gâte après

C’est après que les choses se gâtent. Alors que les augures optimistes estimaient une fin de pénurie probable vers le début du printemps 2021. Celle-ci a perduré. Et nous nous retrouvons en ce début de mois de novembre avec la même litanie sur les sites helvétiques de vente en ligne: «Non disponible pour le moment. Aucune date de livraison prévue». C’est autant le cas chez digitec.ch que chez Fnac Suisse, m electronics (Migros), Media Markt, Inter Discount (Coop) et autres acteurs locaux petits ou grands. Et les magasins autres que ceux de première nécessité ont beau rouvert, leurs rayons ne sont pour autant pourvus.

Première victime, le gamer lambda, celui qui s’est dit un an plus tôt «Il n’y a pas le feu au lac. Je laisse passer Noël et j’aviserai». On en connaît, on a les noms. Ces derniers se retrouvent Gros-Jean comme devant, la saison des blockbusters venue.

Spéculation

Que faire alors? Se ruer dans les bras noueux d’un scalper, par exemple. Scalper? Nouveau terme à la mode qui qualifie les petits malins qui achètent et assèchent les stocks pour mettre aux enchères immédiatement leur acquisition.

A*, père de famille et joueur à ses heures, a, de guerre lasse, cédé aux sirènes du marché gris. Il a répondu tout dernièrement à une annonce et s’en est sorti avec une console neuve avec deux manettes pour 650 francs soit 90 francs de plus que cela lui aurait coûtés normalement. Dans ce contexte, Il considère avoir fait une bonne affaire. D’une certaine manière, oui, sachant que les spéculateurs font flamber les prix jusqu’à 900 francs pour un objet dont le prix de départ est 499 francs.

La chasse est ouverte

Mais Noël approche. Les constructeurs ont un marché à inonder et, même si cela leur est difficile, s’y emploient. À titre d’exemple, Sony a tout dernièrement dépêché quelques avions-cargos remplis de PlayStation 5 vers le Vieux-Continent afin de palier aux engorgements et à la lenteur du transport maritime. Destination: le Royaume-Uni. L’histoire ne dit pas comment sont réparties les consoles en Europe et si la Suisse bénéficiera de quelques miettes. C’est mal parti, semble-t-il. Car si Sony a mis en place une filière d’écoulement en ligne directe, conçue pour éviter les achats spéculatifs, n’en seraient bénéficiaires que les habitants de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la France, de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg. Pas de Suisse dans cette liste. Et déjà sur la version française du site, c’est «Épuisé» qui s’affichait, vendredi, en place d’un éventuel «Acheter» ou «Réserver».

Gros pouvoir d’achat, petit marché

La Suisse justement. Gros pouvoir d’achat mais petit marché. Deux particularités qui laissent dans l’expectative Stephan Kurmann, communication manager chez Digitec, site en ligne possédé majoritairement par Migros. L’un contrebalance-t-il l’autre? Ce qui est sûr: «en général, on ne reçoit pas les quantités demandées», se borne-t-il à préciser. Cela explique pourquoi chacun des rares réassortiments de PS5 et de Xbox Series X a été écoulé dès les premières heures. Et entre deux, le fameux message de rupture de stock. La situation va-t-elle s’améliorer dans les prochaines semaines? Sans être en mesure de donner des chiffres précis, Stephan Kurmann indique s’attendre à une arrivée prochaine de PS5, mais en bundle, donc avec un jeu ou accessoire imposé, ce qui gonfle la facture.

Pour la Xbox Series X, Stephan Kurmann nous précise que Digitec a pu mettre la main un certain nombre d’exemplaires (non révélé). Le stock devrait être proposé «prochainement» aux clients. Mais le représentant s’attend à ce que la demande excède une fois de plus largement offre. Pourquoi l’enseigne a-t-elle renoncé à proposer des réservations? Par l’impossibilité de gérer décemment une liste devenue trop grosse de clients qui ont tôt fait d’exprimer leur frustration face à des délais de livraison devenus imprévisibles, indique-t-il en substance. «Nous avions mis en place un tel système pour les cartes graphiques (pour PC), mais c’est devenu ingérable et nous avons dû renoncer», étaye-t-il.

Rouge, orange, rouge

Tous les signaux sont au rouge. Les jours prochains – et ce dimanche 14, date probable de la mise en vente de Series X comme cela est apparu, jeudi dernier, sur Digitec.ch/fr – ils pourraient passer à l’orange avant de revenir trop rapidement au cramoisi. Et de récents communiqués de tel ou tel constructeur contraint d’annoncer qu’ils doivent revoir à la baisse leurs objectifs de production n’incitent pas à l’optimisme. Sony et même Nintendo, ont été tout dernièrement contraints à l’exercice avec des signes d’assèchement en cours pour ses consoles hybrides Switch, jusque-là plus ou moins épargnées.

Et la suite n’est guère encourageante. Plus personne (constructeurs ou analystes) ne se risque à évoquer une future embellie. «Même si nous sécurisons beaucoup plus d’équipements et produisons beaucoup plus d’unités de la PlayStation 5 l’année prochaine, notre offre ne devrait pas être en mesure de rattraper la demande», a déclaré le directeur financier Hiroki Totoki, cité par le site américain Bloomberg. Pour 2022, le ton est donné. Même son de cloche chez Microsoft qui, pour sa part, voit dans la dématérialisation du gaming une façon de contourner le problème matériel. Sa stratégie sur le long terme (via le cloud) peut certes être testée par tous et toutes déjà aujourd’hui. Mais selon nos essais et ceux de divers bêta testeurs, elle n’offre pas encore une alternative, en termes de performance et de confort, capable de rivaliser à la pratique vidéoludique sur des machines (PC ou consoles).

Le doigt sur le clavier? Pas question!

Dans ce contexte, la crainte exprimée par de Julien Villedieu, délégué général du syndicat national des jeux vidéo en France, ressemble de plus en plus à une prédiction: «la vraie question réside dans les comportements qu’adopteront les consommateurs si la pénurie perdure. Les consoles de cette génération pourraient être boudées par le public si la situation ne s’améliore pas».

«Je ne vais pas passer mon dimanche, le doigt sur le clavier, à tenter de décrocher une console que je n’aurai probablement pas. Mon actuelle me va très bien.» nous dit en écho un adepte régulier de la pratique condamné à faire tourner des jeux de plus en plus next gen sur une machine de la génération précédente.

* Nom connu de la rédaction

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