PolexitDes milliers de Polonais dans la rue pour défendre leur place dans l’UE
De très nombreux citoyens affligés par la décision de la Cour constitutionnelle, survenue vendredi et contestant la primauté du droit européen sur le droit local, ont manifesté ce dimanche soir.
Des dizaines de milliers de Polonais manifestaient dimanche soir pour défendre l’appartenance de leur pays à l’Union européenne, après la décision vendredi de la Cour constitutionnelle polonaise contestant la primauté du droit européen.
Cette décision, refusant tout contrôle européen sur les lois polonaises, pourrait marquer un premier pas vers une sortie de la Pologne de l’UE. C’est contre cette idée d’un «Polexit» que les Polonais se sont mobilisés dimanche, à l’appel du chef de l’opposition et ancien président du Conseil européen Donald Tusk.
«Des dizaines de milliers de personnes à Varsovie et dans plus de 100 villes et villages en Pologne sont venues protester contre ce que ce gouvernement fait à notre patrie», a lancé Donald Tusk à une foule immense munie de drapeaux bleus européens dans la capitale.
Plus tôt dans la journée, il avait appelé ses compatriotes à «défendre une Pologne européenne». «Nous devons sauver la Pologne, personne ne le fera pour nous», avait-il ajouté sur Twitter.
Une tragédie annoncée
«Je suis ici car je crains que nous quittions l’UE. C’est très important, surtout pour ma petite-fille», a déclaré Elzbieta Morawska, 64 ans, qui défilait à Varsovie.
«Le Royaume-Uni vient de quitter l’UE et c’est une tragédie. Si la Pologne part maintenant, ce sera également une tragédie», estimait Aleksander Winiarski, 20 ans, qui étudie en Angleterre et manifestait également dans la capitale.
La Pologne et d’autres pays d’Europe centrale et orientale ont rejoint l’Union européenne en 2004, 15 ans après que le mouvement syndical de Lech Walesa eut contribué à renverser le régime communiste.
L’appartenance à l’Union reste très populaire, si l’on en croit les sondages, mais les relations entre Varsovie et Bruxelles se sont nettement tendues depuis l’arrivée au pouvoir en 2015 du parti populiste Droit et Justice.
Les heurts portent notamment sur les réformes de l’appareil judiciaire voulues par le gouvernement, et dont l’UE estime qu’elles vont nuire à l’indépendance de la justice et risquent de conduire à un amoindrissement des libertés démocratiques.
Le plus récent de ces heurts est la décision vendredi de la Cour constitutionnelle polonaise qui a contesté la primauté du droit européen sur le droit polonais, jugeant plusieurs articles des traités européens «incompatibles» avec la Constitution du pays.
«Le droit de l’UE prime sur le droit national»
La Cour, largement favorable au pouvoir actuel, a également averti les institutions européennes de ne pas «agir au-delà de leurs compétences» en s’ingérant dans les réformes du système judiciaire polonais. Bruxelles avait immédiatement réagi, par la voix de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
«Nos traités sont très clairs. Toutes les décisions de la Cour de justice de l’UE s’imposent à toutes les autorités des États membres, y compris aux tribunaux nationaux. Le droit de l’UE prime sur le droit national, y compris sur les dispositions constitutionnelles», a dit Ursula von der Leyen, précisant que «c’est ce à quoi tous les États membres de l’UE ont adhéré».
Avant le jugement, l’UE avait prévenu que l’affaire pourrait avoir des «conséquences» pour le versement à la Pologne des fonds européens de relance après le Covid.
Les analystes voient dans cette décision polonaise un début de «Polexit légal» – ce que le gouvernement a toutefois démenti.