Colombie: Un chef de la dissidence des Farc quitte les négociations de paix

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ColombieUn chef de la dissidence des Farc quitte les négociations de paix

Le chef historique de la principale dissidence des Farc a quitté les négociations de paix avec le gouvernement colombien mardi.

Ivan Mordisco à San Vicente del Caguan, en Colombie, le 16 avril 2024.

Ivan Mordisco à San Vicente del Caguan, en Colombie, le 16 avril 2024.

AFP

Le chef de la principale dissidence des Farc a abandonné les négociations de paix avec le gouvernement colombien, a annoncé mardi le négociateur chargé des discussions avec ce groupe, désormais ouvertement divisé entre partisans et adversaires de la poursuite du dialogue.

Le leader de l’état-major central (EMC), connu sous le surnom d’Ivan «Mordisco» (la morsure), «n’est plus à la table des négociations (...), nous ne savons pas où il se trouve», a déclaré à la presse le négociateur Camilo Gonzalez.

Le gouvernement est en pourparlers depuis octobre 2023 avec l’EMC, principale faction des dissidents qui n’ont jamais accepté l’accord de paix historique signé en 2016 avec la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc).

Suspension de la trêve

Ces négociations traversent une crise depuis que le président Gustavo Petro a ordonné le 17 mars la suspension de la trêve militaire dans trois départements du sud-ouest, après des violations répétées de cette même trêve par l’EMC, accusé d’en avoir tiré profit pour accroître son influence territoriale et continuer de recruter. Petro avait alors qualifié «Mordisco» de «truand», de «trafiquant de drogue déguisé en révolutionnaire» et avait ordonné sa capture.

Des combats et des incidents réguliers ont depuis lieu, notamment dans les départements du Cauca et de Valle du Cauca, où l’armée affirme réaliser depuis plusieurs semaines des opérations offensives contre l’EMC.

Ces dernières semaines ont aussi été marquées par l’apparition au grand jour de divisions entre différents «fronts» de l’EMC, voire d’une claire scission entre partisans et adversaires du dialogue avec le gouvernement. Les représentants des «fronts» réputés les plus durs de l’EMC, en particulier ceux du Cauca et d’Arauca (nord-est), n’ont pas participé au dernier cycle des discussions le 5 avril.

«Problème interne»

Dans un entretien le 12 avril avec un hebdomadaire local, Andrey Avendano, un moment l’un des principaux négociateurs de l’EMC, a reconnu «un problème interne concernant les façons de voir et d’interpréter» la situation politique actuelle du pays. «Il y a une grande division ici», a-t-il dit.

Les négociations avec l’aile Mordisco «sont actuellement gelées» mais elles se poursuivent avec les partisans du dialogue qui représenteraient près de 50% des effectifs de l’EMC, en particulier avec Andrey Avendano, qui commande une région du nord-est, a expliqué mardi le négociateur gouvernemental.

«Nous n’avons qu’un seul processus (avec l’EMC), les négociations sont en cours, avec ceux qui respectent le cessez-le-feu et tous les protocoles et accords signés», a noté Camilo Gonzalez, jugeant que «pour l’instant, la priorité était de renforcer ces accords avec ceux qui restent».

«Armée révolutionnaire»

Lundi, Ivan «Mordisco» est apparu dans une vidéo pour avertir le gouvernement que l’avenir des négociations dépendait de la reprise de la trêve. Il a également affirmé que les communautés indigènes rejoignaient son «armée révolutionnaire» de leur plein gré, alors que l’EMC a tué début mars une leader communautaire et que les relations avec les indigènes Nasa, dans le Sud-Ouest, sont depuis lors particulièrement tendues.

Notoirement impliqué dans le trafic de drogue, les mines illégales et autres activités criminelles, l’EMC compte plus de 3500 hommes, selon le renseignement militaire colombien.

Selon Jorge Mantilla, un expert en conflits armés interrogé par l’AFP, les négociations auront désormais un caractère régional ou plus «territorialisé».

Alias «Calarca», l’un des commandants les plus puissants de l’EMC, continue de participer aux discussions, aux côtés d’Andrey Avendano, même s’il a récemment assuré que son groupe poserait des conditions «inamovibles» à la signature d’un accord de paix, comme le refus remettre les armes ou de se soumettre à une justice spéciale.

«Paix totale»

«Le cessez-le-feu et la table des négociations sont liés. Si l’un est rompu, l’autre aussi», a commenté mardi à l’AFP un autre commandant des Farc, «Gafas», partisan de la ligne de Mordisco. «En rompant le cessez-le-feu dans trois départements, c’est le gouvernement qui a rompu les négociations, et non Ivan Mordisco», a jugé ce chef politique du Front Carlos Patino, dans le Cauca.

Élu en 2022 premier président de gauche de l’histoire de la Colombie, Gustavo Petro tente de suivre une ambitieuse politique de «paix totale» et de mettre définitivement fin aux violences qui déchirent son pays depuis plus d’un demi-siècle.

Des discussions sont en cours avec l’ELN guévariste, une autre faction de la dissidence des Farc, des paramilitaires, des narcotrafiquants et des groupes criminels. Ces pourparlers sont vivement critiqués par l’opposition conservatrice.

(AFP)

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