Ski alpinÀ Sölden, le fan-club de «Ju» est chaud bouillant
Notre journaliste ski vous emmène dans les coulisses de la Coupe du monde dans «Hors Piste». On commence à Sölden pour la rentrée du cirque blanc.
- par
- Sylvain Bolt Sölden
Ils vont tout donner pour leur «Ju»
On va commencer par vous faire une confidence: le fan-club de Justin Murisier rivaliserait avec celui de Marco Odermatt en dehors de la piste. Ce seraient les deux groupes de supporters les plus bruyants et nombreux au niveau du ski masculin suisse. «On est chauds bouillants, on va faire du bruit pour Ju!» promet Christophe Melly, co-président du fan-club du skieur valaisan.
C’est un groupe de 25 personnes qui a fait le déplacement à Sölden et lors de notre rencontre samedi en fin d’après-midi, ils sont gonflés à bloc. La bâche et les cloches sont prêtes. «On est impatients de pouvoir revenir suivre les courses sur place. C’était difficile l’an passé, souligne Christophe Melly, particulièrement affecté d’avoir manqué le premier podium en Coupe du monde de Justin Murisier à Alta Badia en décembre 2020.
Le co-président du fan-club, qui compte 380 membres, ose même un prono: «Dimanche, c’est top 5 pour Ju! Mais à mon avis, il va en surprendre plus d’un en super-G cette saison vu le poids qu’il a pris cet été. Avec tout ce muscle, il risque bien de foncer!»
Alors qu’un nombre maximum de 5’000 personnes avaient d’abord été annoncées par les organisateurs, il y avait 9’000 fans pour le géant féminin samedi. On a particulièrement apprécié le fan-club de la française Tessa Worley et ses membres déguisés en pharaons. Mention spéciale à cet autre supporter tricolore déguisé…en coq.
Les Suisses ne partagent par leur trésor
La Suisse est redevenue la nation numéro un du ski depuis deux ans. Pour être à la hauteur de leur nouveau statut et préparer correctement la reprise de la Coupe du monde de ski, les Helvètes n’ont pas hésité… à privatiser un glacier. Celui de Diavolezza, en l’occurrence.
Dans les Grisons, les Suisses ont pu bénéficier d’une piste injectée d’eau, comme celles qu’ils retrouvent en Coupe du monde. Idéal non?
«Pouvoir skier sur une piste injectée en octobre est unique et c’est un gros avantage pour les Suisses», nous a confié Marco Odermatt.
Si «Odi» le dit..
À Diavolezza, c’était une ligne réservée aux hommes et une aux femmes. Histoire de ne pas avoir de piquets partout et pouvoir travailler au calme, loin de l’agitation des glaciers de Zermatt et de Saas-Fee où toutes les nations se sont entassées cet été.
Bon… en fait, en Valais aussi, Swiss-Ski fait jouer ses priorités en réservant les meilleures lignes et en prenant les télécabines en mode «früfahrt». Un glacier, s’il n’a pas encore fondu, ça peut valoir de l’or (blanc). Et les Helvètes semblent bien décidés à profiter de leurs richesses.
Le cirque blanc a son couple glamour
C’est le nouveau couple «glam’» du cirque blanc. Mais non, on ne va pas vous parler de Valon et Lara…
Mikaela Shiffrin – Aleksander Aamodt Kilde ne partagent plus seulement la même marque de ski. On vous résume tout: les deux tourtereaux se seraient rencontrés il y a six ans. Ils ont officialisé leur union en avril sur les réseaux sociaux. Depuis, le duo partage en photos et vidéos son bonheur partagé.
«C’était déjà assez clair pour nous deux qu’il y avait de l’attirance réciproque mais nous étions tous les deux engagés dans des relations ces dernières années», a révélé la star américaine à la NZZ.
À Sölden, le Norvégien Aleksander Aamodt Kilde a déclaré forfait pour le géant d’ouverture. Le vainqueur du gros globe en 2020 s’était gravement blessé au genou droit en janvier passé. Mais le viking était présent en pantalon de training pour applaudir sa chérie samedi.
Kilde a passé la course avec le team américain et n’a pas caché sa joie lorsque Shiffrin a remporté sa 70e victoire en Coupe du monde. Mais il a aussi dû répondre aux sollicitations médiatiques et à plusieurs questions liées à sa relation avec la «superstar» du ski féminin.
L’info «mercato»
Le ski vit son mercato en fin de saison. Sur la neige de printemps, en avril, certains athlètes essaient d’autres paires pour trouver leur bonheur. Côté suisse, un joli transfert a été réalisé par Tanguy Nef.
Le slalomeur genevois, a passé de Fischer à Head et a hérité pour sa nouvelle aventure d’Alex Martin, l’ex-serviceman de Ted Ligety, la légende américaine du géant. Le roi Ted, c’est cinq globes de cristal de géant, deux médailles d’or olympique et cinq titres mondiaux.
Bon, l’expertise d’Alex Martin sur des skis de géant ne va pas transformer Tanguy Nef en Ted Ligety dès ce dimanche à Sölden. Avec son dossard 66, le slalomeur devra sortir la manche de sa vie s’il espère concourir sur le second tracé. Le slalomeur genevois a pris part à 4 géants de Coupe du monde, sans jamais réussir à marquer des points.
À Saas-Fee, on a rencontré Alex Martin. Et le technicien autrichien a été bluffé par l’encadrement de Swiss-Ski, auquel il a dû se familiariser. «Ce n’est pas que les Américains étaient mal organisés, mais c’était différent. Take it easy. Avant, je recevais un téléphone pour me dire: See you in Saas-Fee, raconte-t-il. Là, tout est parfaitement planifié et organisé. Tu reçois par mail une convocation avec le programme à la minute. Tout est précisé, du numéro de chambre aux trajets.»
Odermatt se donne des ailes
C’est l’info «business» de l’intersaison. Marco Odermatt arborera un logo de la marque «Red Bull» sur son casque dès ce dimanche.
Le Nidwaldien était dans l’écurie autrichienne ces dernières saisons et traînait sa gourde de la marque mais gardait un sponsor suisse sur la tête (Helvetia). C’est la première étape du contrat de sponsoring de la boisson énergisante, il faut d’abord faire ses preuves. La révélation de la saison passée a assez vite convaincu son sponsor de la faire entrer dans la cour des grands.
Un sponsor tête, en ski alpin, c’est un contrat qui peut se monnayer quelques centaines de milliers de francs. Surtout pour les stars comme Pinturault, Kristoffersen, Paris ou Ledecka.
La marque aux taureaux a cassé la tirelire cet été en monnayant son logo sur les casques du slalomeur Clément Noël, de la reine de la vitesse Sofia Goggia, de l’espoir néo-zélandais Alice Robinson en plus d’avoir conclu un «Kopfsponsor» avec Marcel Hirscher, qui a «enfin» lâché sa banque.
Concrètement, Odermatt peut profiter du centre de performance de son sponsor principal à Thalgau près de Salzbourg, où un programme (Athletes Special Project) mis en place par l’ancien entraîneur de descente autrichien Robert Trenkwalder permet aux athlètes sous contrat de bénéficier des dernières méthodes d’entraînement et de sciences du sport.
Le Nidwaldien peut désormais regarder son rival Alexis Pinturault dans les yeux et même peut-être voler avec lui dans l’un des jets privés (ou hélicos) mis à disposition des athlètes par la marque autrichienne. C’est pratique et plus rapide lorsqu’il faut rejoindre deux sites de Coupe du monde.
Le duel Odermatt – Pinturault, acte 1, c’est ce dimanche dès 10h à Sölden.
Les skieurs bientôt aussi riches que les tennismen?
La FIS a vécu plusieurs changements ce printemps. Son ancien président Gian-Franco Kasper, 23 ans de règne, a pris sa retraite et est décédé un mois après l’élection de son successeur à 77 ans.
Ce n’est pas le président de Swiss-Ski Urs Lehmann qui lui a succédé, mais un milliardaire suédois de 59 ans: Johan Eliasch. Et ce dernier a quitté son poste de CEO de Head pour se lancer dans l’aventure de la FIS.
À Sölden, Eliasch a dévoilé l’un de ses plans: rendre les skieurs riches. «Un prize money identique à ceux des tennismen doit être un but», a lancé le nouveau boss dans une conférence de presse ou il a semblé réciter un manifeste appris par cœur. Avec les micros mal réglés de cette première conférence de presse, la FIS ne s’est pas fait de la publicité niveau «crédibilité».
Bref, pour enrichir les skieurs, Johan Eliasch mise sur une meilleure commercialisation de son sport. «La Chine amène 300 millions de personnes aux sports de neige et de glace», a illustré le Suédois.
Mais il reste du boulot pour que les skieurs gagnent le jackpot. Dimanche, une victoire à Sölden rapportera 45’000 francs à son vainqueur. Vous l’aurez compris, on est loin des millions engrangés par des vainqueurs de Grand Chelem en tennis.
Plein d’idées pour révolutionner la FIS, le nouveau président a aussi mis en place un «Future Working Group» censé amener des innovations pour la fédération. Le problème? La gestion de ce groupe a été confiée à Peter Schröcksnadel, l’ex-président de la fédération autrichienne de ski. Ce n’est pas son ancienne fonction qui pose problème, on n’est pas chauvins, mais son âge: 80 ans. «Il est plus jeune dans la tête que plusieurs d’entre vous dans cette salle», a lancé Eliasch aux journalistes présents dans la salle.
Un vaccin quasi-obligatoire
C’est un sujet un peu tabou mais qui pourrait avoir des conséquences. Selon Swiss-Ski, 90% des athlètes seraient vaccinés. Il y a deux événements qui posent problèmes pour les non-vaccinés: la tournée nord-américaine et les JO de Pékin.
Pour la tournée nord-américaine, qui se déroule en partie au Canada d’abord. Les autorités canadiennes exigent deux doses de vaccin obligatoires pour entrer dans le pays. Marco Odermatt, qui a été touché par le Covid-19 la saison passé, va ainsi recevoir une deuxième dose après l’étape de Sölden. Son rival Alexis Pinturault, lui aussi touché l’hiver passé, a été autorisé à recevoir une deuxième dose.
Le skieur de Courchevel a obtenu ce deuxième échantillon du vaccin au début de mois d’octobre. «Je n’ai pas très bien réagi. C’est ce que je craignais et c’est un peu le côté négatif quand on doit le faire au dernier moment parce que les pays n’ont pas tous les mêmes règles, a souligné le Français à Sölden. Le vaccin m’a fait plus d’effet que le Covid-19 lui-même.»
L’obligation d’une quarantaine de 21 jours en Chine pour les non-vaccinés pourrait finir de convaincre les derniers athlètes qui n’ont pas été vaccinés.