CommentaireCredit Suisse: les sénateurs se rangent déjà derrière les banquiers
Après le rachat du Credit Suisse, la Commission de l’économie des États veut éviter toute précipitation du Parlement. Tandis que Karin Keller-Sutter songe à couper dans l’AVS.
- par
- Eric Felley
Après l’annonce le 19 mars du rachat de Credit Suisse par UBS avec l’aide massive de la Confédération, les partis politiques ont eu une réaction unanime d’indignation et de «plus jamais ça». Les commissions du Parlement ont bouleversé leurs programmes. Une Assemblée fédérale extraordinaire a été convoquée du 11 au 13 avril. Les commissions des finances, de gestion ou des affaires juridiques du National se sont mises au travail et le bureau souhaite à l’unanimité la création d’une commission d’enquête parlementaire.
Le torchon brûle, mais stop! La Commission de l’économie et des redevances du Conseil des États (CER-E) met un frein à cette frénésie d’actions qui trouble le Conseil national. Mardi, après avoir eu une «discussion approfondie» avec la cheffe des Finances Karin Keller-Sutter, elle a communiqué sur un ton sénatorial: «Il est primordial aujourd’hui de ramener le calme sur les marchés financiers. Pour y parvenir, il convient d’éviter toute décision politique hâtive de la part du Parlement».
Il est urgent d’attendre
Autrement dit, il est urgent d’attendre pour ne pas perturber politiquement la place financière en convalescence. La quiétude des banquiers (traumatisés par la violence des marchés) devrait être aujourd’hui la première des priorités des élus. La position des sénateurs est calquée finalement sur celle de l’Association suisse de la branche: pas de vagues inutiles, le système demeure solide. Retour au calme et «business as usual».
Enfin presque, puisque la commission reconnaît quand même qu’il «importe de tirer des leçons de cette affaire». Mais plus tard. Lors de la prochaine session extraordinaire, elle propose d’avaliser les crédits aux banques et de remercier le Conseil fédéral pour son excellent travail, qui a permis «d’éviter une crise d’une ampleur incalculable», selon ses termes. Un peu comme si une météorite allait frapper la Suisse et que le gouvernement avait réussi à la détruire pour éviter une apocalypse bancaire.
On prend les mêmes…
Mais cette position pragmatique ne fera pas oublier les 259 milliards de fonds publics avancés pour sauvegarder les intérêts privés de place financière. Ce qui constitue tout de même une formidable entorse aux règles du libre marché. Elle ne fera pas oublier les millions de bonus versés à des dirigeants incapables, les milliers d’emplois menacés, les actions cédées à un prix plancher et les milliards d’obligations réduites à zéro. Elle ne fera pas oublier non plus que Karin Keller-Sutter songe à vouloir couper dans l’AVS un petit milliard de francs en cinq ans.
En France on brûlerait des poubelles pour moins que ça. En Suisse, non. Nous sommes tous un peu «bank addict». Privatiser les bénéfices et socialiser les pertes? On ne va pas en faire un fromage tout de même (encore moins un fromage subventionné). On voit certes de la mauvaise humeur sur les réseaux sociaux et des clients ont changé de banque, mais la rue est bien plus calme qu’aux heures chaudes de la pandémie. Pour l’instant, les gens ne ressentent aucune conséquence sur leur quotidien. La vie continue comme avant. On prend les mêmes et on recommence… avec une autre banque.
Tandis que Karin Keller-Sutter songe à couper peu dans l’AVS, qui est encore un peu trop grasse.