Afghanistan - Attentat meurtrier de l’EI à Kaboul, Washington menace de représailles

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AfghanistanAttentat meurtrier de l’EI à Kaboul, Washington menace de représailles

La capitale afghane a été le théâtre d’explosions, jeudi. Il s’agissait d’attaques menées par le groupe État islamique, qui ont notamment fait des victimes parmi les soldats américains.

Des kamikazes du groupe djihadiste État islamique (EI) ont attaqué jeudi la foule des Afghans qui attendaient à l’aéroport de Kaboul dans l’espoir de fuir le nouveau régime taliban, faisant des dizaines de morts dont 13 soldats américains.

Ce premier attentat meurtrier depuis le retour au pouvoir des talibans le 15 août intervient à quelques jours du départ du pays des troupes américaines, prévu le 31 août après 20 ans de guerre infructueuse contre les islamistes.

La double explosion a tué au moins 13 soldats américains et en a blessé 18 autres, selon le Pentagone. Le régime taliban a lui recensé jusqu’à 20 morts et 52 blessés. Mais d’autres sources évoquent un bilan bien plus lourd. Un haut fonctionnaire de santé du gouvernement pré-taliban, qui a requis l’anonymat, a affirmé que le bilan pourrait atteindre 60 morts, chiffre non confirmé par d’autres sources.

Une troisième puissante explosion a été entendue à Kaboul vers minuit, faisant craindre un nouvel attentat. Mais le régime taliban a indiqué peu après qu’elle n’était pas due à une attaque mais à des destructions d’équipements par l’armée américaine à l’aéroport, ce que cette dernière n’a pas confirmé dans l’immédiat.

Le président américain Joe Biden doit s’exprimer sur l’Afghanistan jeudi soir.

Les États-Unis, qui s’attendent à ce que les attaques de l’EI «continuent», ont menacé le groupe djihadiste de représailles en Afghanistan après cette attaque menée, selon eux, par deux kamikazes du groupe djihadiste, suivie d’une fusillade.

En réaction à l’attentat, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a appelé à une réunion du Conseil de sécurité sur l’Afghanistan.

Washington a également annoncé la poursuite des évacuations en cours d’étrangers et d’Afghans qui veulent fuir leur pays, alors que le temps presse à quelques jours de la date butoir du 31 août. Les Occidentaux ont condamné l’attentat, en soulignant qu’il ne devait pas empêcher la poursuite des évacuations massives, qui ont à ce jour permis de faire partir près de 100’000 personnes.

Des milliers d’Afghans avaient continué à se masser jeudi à l’aéroport, malgré les avertissements lancés ces dernières heures par les Américains et d’autres pays occidentaux sur un possible «attentat terroriste» à venir.

L’explosion est intervenue jeudi à l’extérieur de l’aéroport de Kaboul, en Afghanistan.

L’explosion est intervenue jeudi à l’extérieur de l’aéroport de Kaboul, en Afghanistan.

Reuters

Après les explosions, des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montraient des dizaines de victimes, mortes ou blessées, étendues dans les eaux saumâtres d’un canal d’égout, entourées de secouristes débordés et démunis.

Le nouveau régime taliban, via son porte-parole Zabihullah Mujahid, a «fermement condamné» ces «attentats à la bombe», tout en soulignant qu’ils étaient survenus dans une zone placée sous la responsabilité de l’armée américaine.

Depuis la reprise soudaine de Kaboul et du pouvoir par les talibans, le vaste aéroport de Kaboul est le dernier endroit du pays où sont rassemblées les forces occidentales, menées par l’armée américaine. L’Otan et l’UE ont appelé à poursuivre les évacuations depuis Kaboul malgré cet «attentat terroriste».

Panique

La chancelière allemande, Angela Merkel, a dénoncé un attentat «absolument ignoble». L’Allemagne a annoncé avoir fini ses vols d’évacuation, comme les Pays-Bas et le Canada. D’autres pays comme la Grande-Bretagne et la France ont indiqué poursuivre leurs évacuations.

Après les explosions, Paris a annoncé le rapatriement à Paris, pour raisons de sécurité, de son ambassadeur en Afghanistan, David Martinon, qui se trouvait jusqu’ici à l’aéroport de Kaboul.

Selon des sources militaires, l’une des explosions s’est produite à proximité d’Abbey Gate, un des trois points d’accès à l’aéroport. «C’était une énorme explosion, au milieu de la foule qui attendait devant une des portes de l’aéroport», où entrent des gens qui se font évacuer par les Occidentaux, a déclaré à l’AFP un témoin de la scène, Milad. «Ça a été la panique totale. Les talibans ont alors tiré en l’air pour disperser les gens qui attendaient devant la porte», a indiqué à l’AFP un autre témoin, qui a notamment vu «un homme courir avec un bébé blessé dans les bras».

Le rythme des évacuations, qui n’avait cessé de s’accélérer ces derniers jours, avait commencé à ralentir mercredi.

Selon un bilan de la Maison-Blanche jeudi matin, 13’400 personnes ont été évacuées au cours des 24 dernières heures (5100 à bord de 17 avions militaires américains et 8300 sur 74 avions de la coalition), malgré une situation chaotique à l’aéroport provoqué par l’afflux de candidats au départ.

Mercredi, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, avait assuré que les talibans s’étaient engagés à laisser partir les Américains et les Afghans à risque se trouvant encore dans le pays après le 31 août. L’Allemagne a précisé avoir eu l’assurance qu’ils pourraient prendre des vols commerciaux.

«Moment douloureux»

La fin prochaine des évacuations fait craindre que de nombreux Afghans qui ont travaillé ces dernières années avec les étrangers ou le gouvernement pro-occidental déchu et se sentent menacés par les talibans, ne puissent tous quitter le pays à temps.

«Il s’agit d’un moment douloureux» parce que «des gens éligibles à l’évacuation vers les Pays-Bas seront abandonnés», ont estimé les ministres néerlandaises des Affaires étrangères, Sigrid Kaag, et de la Défense, Ank Bijleveld.

Sous le nom d’ISKP (État islamique Province du Khorasan), l’EI a revendiqué certaines des attaques les plus sanglantes commises ces dernières années en Afghanistan, faisant des centaines de morts. Il a surtout ciblé les musulmans qu’il considère comme hérétiques, en particulier les chiites. L’attentat qu’il a revendiqué contre un mariage chiite à Kaboul en août 2019 avait par exemple coûté la vie à 91 personnes. Même s’il s’agit de deux groupes sunnites radicaux, l’EI et les talibans sont en concurrence et sont animés par une haine tenace et réciproque.

Jeudi, des analystes en sécurité relevaient que l’activité de l’ISKP s’était brutalement arrêtée depuis 12 jours, signe possible qu’il préparait une opération d’ampleur, via des tirs de mortier ou des attentats-suicides, véhiculés ou individuels.

Ces mises en garde n’avaient pas dissuadé, avant l’explosion, nombre d’Afghans de continuer d’assiéger l’aéroport.

Beaucoup d’Afghans, souvent urbains et éduqués, craignent que les islamistes n’instaurent le même type de régime fondamentaliste et brutal que lorsqu’ils étaient au pouvoir entre 1996 et 2001. Les femmes et les minorités ethniques en particulier s’inquiètent pour leur sort. Depuis leur reprise du pouvoir, les talibans s’efforcent de se présenter sous un jour plus modéré, souvent sans convaincre, en tout cas à Kaboul.

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