Football – Il y avait du YB dans cette Suisse

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FootballIl y avait du YB dans cette Suisse

Pour arriver à bout de l’Irlande du Nord (2-0) samedi, l’équipe nationale devait étouffer son adversaire. Elle s’y est installée, en reprenant des principes chers au champion de Suisse.

Valentin Schnorhk Genève
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Valentin Schnorhk Genève
Contre l’Irlande du Nord, Kevin Mbabu a animé le côté droit. Le plan de Murat Yakin a été appliqué.

Contre l’Irlande du Nord, Kevin Mbabu a animé le côté droit. Le plan de Murat Yakin a été appliqué.

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Si l’équipe de Suisse doit émaner du football helvétique, alors Murat Yakin a peut-être trouvé sa source d’inspiration. Du moins pour battre (enfin) dans le jeu l’Irlande du Nord samedi à Genève. Un succès 2-0, qui ne se conteste pas et ne s’explique pas seulement par l’expulsion précoce (37e) de Jamal Lewis. Le sélectionneur a tenu à en dissocier l’analyse: cela n’a eu aucune influence sur la performance suisse. Car il y avait un plan, autrement mieux pensé et appliqué qu’il y a un mois à Belfast (0-0). Une prestation qui a rappelé la meilleure équipe du pays: il y avait du Young Boys dans le match qu’a réalisé la Suisse à La Praille.

Il faut savoir ne pas surinterpréter la comparaison. La composition alignée par Murat Yakin ne ressemblait pas en tout point à celles dont est coutumier David Wagner (ou Gerardo Seoane avant lui). Notamment au niveau du duo d’attaque, où la paire Shaqiri-Embolo ne s’exprime pas dans les mêmes registres qu’Elia, Siebatcheu ou Nsame. Mais il y a des principes évocateurs: ceux de l’installation et de l’animation des côtés, notamment. Avec comme enjeu de «vivre» chez l’adversaire, mais surtout d’y vivre bien. Pour l’étouffer.

Le «3+1»: une base

Pour s’installer dans la moitié de terrain adverse, il faut déjà y arriver. Face à une équipe attentiste comme l’Irlande du Nord, les sorties de balle n’étaient pas très compliquées. Organisée en 5-4-1, avec un bloc bas, il s’agissait simplement d’éliminer l’attaquant Conor Washington, pour progresser. Les deux centraux se suffisaient à eux-mêmes. Ou, alors, sur les phases de transition, les remontées de balle de Breel Embolo pouvaient s’avérer précieuses. Bref, la Suisse limitait son temps dans son camp, logiquement.

Mais, pour garantir l’installation chez l’adversaire, cela suggère aussi une certaine structure. On reconnaît là la patte de Murat Yakin, assurément attentif à ne pas s’exposer dangereusement. Alors même si la Suisse entendait rester loin de ses propres buts, il fallait trouver une façon ne pas se faire transpercer sur les contre-attaques. Là, la Suisse s’est inspirée de YB en pratiquant le «3+1». Soit l’idée de construire ses actions avec toujours une base de trois joueurs en couverture, et un milieu pour couper les transitions plein axe.

Remo Freuler s’est ainsi régulièrement placé entre Manuel Akanji et Nico Elvedi, alors que Denis Zakaria s’autorisait à être un cran plus haut. En seconde période, ce fut souvent Ricardo Rodriguez qui s’est associé aux centraux, laissant Freuler devant, pendant que Zakaria animait le côté droit. Dans ces deux configurations, non seulement la Suisse couvrait correctement la profondeur et les éventuelles passes courtes nord-irlandaises, mais elle maintenait une certaine présence sur la largeur. Combinée à un pressing à la perte actif, il y avait là une défensive préventive bien organisée. Autrement dit, l’Irlande du Nord était contrainte à attendre une sortie de but ou une faute pour espérer respirer un peu.

Mouvement permanent

Cette base en «3+1» a assuré une protection efficace et une récupération haute. Mais elle a aussi permis à la Suisse d’offrir un point de départ aux schémas offensifs. Car une fois installée, c’est là qu’on l’attendait au tournant. Avec comme réflexion centrale, la façon de faire dérailler le bloc compact nord-irlandais. Pour bien vivre chez l’adversaire, il fallait bien exister. Et surtout beaucoup mieux qu’il y a un mois, avec une animation terriblement stérile.

Plusieurs concepts essentiels ont caractérisé l’équipe nationale samedi. Celui du mouvement est cardinal. Les permutations ont été nombreuses à l’intérieur du jeu comme sur les ailes. Et Breel Embolo et Xherdan Shaqiri se sont fixé l’objectif de toujours se déplacer entre les lignes. C’était important. L’un comme l’autre, dans leurs styles respectifs (en puissance ou en finesse), n’ont cessé de causer des problèmes aux Nord-Irlandais et solutionner certaines situations étriquées, notamment dans l’axe.

Mais c’est essentiellement l’animation des côtés qui a vécu une véritable progression en un mois. Face à une Irlande du Nord focalisée sur la fermeture de l’axe, les ailes devaient évidemment être exploitées au mieux pour créer un décalage. Contrairement au match de Belfast, la Suisse a cette fois pris le parti de placer un maximum de joueurs dans la zone du ballon: entre trois et quatre (le latéral, le milieu côté ballon, l’ailier et l’un des deux attaquants), dans le but de créer une supériorité numérique. Mais c’est principalement les variations des positions (des hauteurs et des largeurs différentes) et des appels qui ont permis de faire des différences.

La droite bien animée

Côté droit, ce fut particulièrement fructueux. Les montées incessantes de Kevin Mbabu offraient une profondeur constante, mais la percussion de Denis Zakaria ou la capacité de fixation de Renato Steffen ont aussi largement contribué à cette variété. De nombreuses situations suisses sont ainsi arrivées d’une combinaison sur les côtés, laquelle était complétée d’une présence en nombre dans la surface.

Reste que ce surnombre avait aussi d’autres avantages: d’un point de vue défensif, cela augmentait la probabilité de récupérer rapidement le ballon à la perte (en densifiant la zone autour de l’adversaire). Et sur le versant offensif, la Suisse pouvait fixer un maximum de Nord-Irlandais sur un côté pour exploiter les espaces s’ouvrant ailleurs dans le terrain. Le but annulé à Denis Zakaria part ainsi d’une construction côté gauche, avant qu’Elvedi ne renverse le jeu vers un Mbabu lancé dans le couloir.

Un plan plutôt bien pensé par Murat Yakin donc, qui insistait durant la semaine sur l’importance de mettre l’Irlande du Nord sous pression. Sauf que les deux buts sont venus sur d’autres phases de jeu: des transitions verticales rapides, emmenées par Breel Embolo. L’intensité s’exprimait aussi là. Et dans une situation de stress, la défense nord-irlandaise a craqué techniquement sur le 1-0 de Steven Zuber, bien servi par l’attaquant du Borussia Mönchengladbach.

L’Irlande du Nord a le ballon mais est mise sous pression. La balle n’est même pas encore perdue que Zuber et Embolo ont déjà lancé la transition et les courses verticales qui amèneront le 1-0.

L’Irlande du Nord a le ballon mais est mise sous pression. La balle n’est même pas encore perdue que Zuber et Embolo ont déjà lancé la transition et les courses verticales qui amèneront le 1-0.

Il fallait également savoir exploiter ces situations. Young Boys aussi, quand il en a l’opportunité, ne s’en prive jamais. Et si la Suisse de Yakin ressemblait de plus en plus aux champions de Suisse? La théorie pourrait prendre du crédit en Lituanie mardi. Tiens donc, ce match se jouera sur une pelouse synthétique.

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