MédecineUne percée pour un diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer
Des scientifiques du Laboratoire fédéral de recherches sont parvenus à visualiser des amas de protéines dont la forme et la longueur indiquent la gravité de la maladie.
- par
- Michel Pralong
La détection précoce et le traitement des démences telles que la maladie d’Alzheimer restent l’un des grands défis de la médecine moderne. On sait déjà que certaines protéines présentes dans le liquide céphalorachidien (dans lequel baigne le cerveau) peuvent être utilisées pour diagnostiquer la maladie d’Alzheimer. Cependant, les méthodes actuelles de détection de ces biomarqueurs ne peuvent que confirmer et quantifier la présence de ces protéines pathologiques. Les tests ne permettent pas de tirer des conclusions sur la morphologie originale des protéines, qui contient des informations sur les stades de la maladie.
Cependant, ces informations, si elles étaient obtenues directement, pourraient permettre de parvenir à de telles conclusions et d’ainsi évaluer l’efficacité d’un traitement prescrit. Une équipe du laboratoire Transport at Nanoscale Interfaces de l’Empa (Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche) et du département de neurologie de l’Hôpital cantonal de St Gall a utilisé la microscopie à force atomique (AFM) pour visualiser les protéines indicatives de la maladie d’Alzheimer dans des conditions aussi proches que possible de la réalité. Les chercheurs ont récemment publié leurs résultats dans la revue «Communications Biology».
Observer sans détruire les protéines
La technologie AFM rend le monde des molécules visible dans ses moindres recoins avec une précision impressionnante. De la taille d’un microscope de table classique, cette technologie permet d’effectuer des observations morphologiques à l’échelle du nanomètre sans détruire les protéines. En analysant les différences de taille, de structure, de forme et d’assemblage des accumulations de protéines directement dans le liquide céphalorachidien, l’équipe a pu établir un lien avec le stade de la maladie.
«Alors que seules des fibrilles protéiques courtes, d’une longueur d’environ 100 nanomètres, ont été trouvées chez les personnes à un stade précoce de la maladie, des fibrilles faisant de nombreuses fois cette longueur (atteignant plusieurs micromètres) sont apparues à des stades plus avancés de la maladie», explique le biophysicien Peter Nirmalraj, du laboratoire de l’Empa à Dübendorf. En revanche, chez les personnes en bonne santé cognitive, les échantillons de liquide céphalorachidien ne contenaient aucune fibrille, voire des fibrilles plus courtes.
Détection à partir du sang
Après ces études pilotes menées sur 33 personnes, l’équipe va maintenant intensifier ses efforts pour faire correspondre les résultats obtenus en laboratoire avec les données de groupes de patients plus importants et obtenir des informations sur la nature chimique des protéines présentes dans les fluides corporels. Récemment, le professeur Nirmalraj a reçu le soutien de la Recherche Démence Suisse - Fondation Synapsis pour faire avancer l’étude en cours sur la détection précoce de la maladie d’Alzheimer à partir du sang.
«La technologie AFM a le potentiel de compléter les tests de biomarqueurs conventionnels et d’améliorer la détection précoce de la maladie d’Alzheimer», est convaincu le professeur. En effet, alors que les tests de biomarqueurs indiquent les niveaux de protéines, la technologie AFM peut fournir des informations sur les différences morphologiques des agrégats de protéines, qui reflètent la progression de la maladie. En outre, il sera possible de mieux comprendre le processus de la maladie afin de jeter les bases de nouveaux médicaments plus efficaces.