InterviewJuliette Armanet: «Je suis en train de vivre l’un des plus beaux moments de ma vie»
La chanteuse française a été métamorphosée par son album «Brûler le feu». Alors qu’elle est en train de terminer une longue tournée de dix-huit mois, nous l’avons rencontrée au Montreux Jazz Festival.
- par
- Laurent Flückiger
Quel chemin parcouru par Juliette Armanet depuis la sortie de son deuxième album, «Brûler le feu», fin 2021! Des tubes – «Le dernier jour du disco», «Tu me play» –, une notoriété grandissante et des dates, des dates, des dates. Plus de vingt mois de tournée.
La chanteuse française de 39 ans était en concert dimanche au Lab. Son troisième passage au Montreux Jazz Festival. Elle a encore une fois livré une prestation totalement folle. Nous l’avons rencontrée en fin d’après-midi, alors qu’elle revenait d’une petite balade au soleil.
Juliette, vous vivez de grandes choses depuis presque deux ans. Êtes-vous encore sur un petit nuage?
Complètement! Sur un tapis volant, même. (Rires.) C’est une chance folle de pouvoir vivre ce disque aussi intensément sur scène, de pouvoir le partager avec autant de publics différents, autant de villes différentes. Je ne dis que des banalités, là. Mais je suis en train de vivre l’un des plus beaux moments de ma vie.
Vous avez fait beaucoup de concerts.
Oui, et on est crevés. Mais, paradoxalement, l’idée que ça s’arrête en septembre me fait un peu flipper.
Vous avez joué à Montreux en 2018 et en 2019. Quels souvenirs en gardez-vous?
Je me souviens très bien de la première fois où j’ai joué à Montreux, des paysages, l’ambiance… C’était l’anniversaire de Quincy Jones, on était allé écouter Jacob Collier. Mon père est jazzman. J’ai appris à chanter avec le «New Real Book», je ne sais pas lire la musique, mais je connais les standards de jazz. Donc, j’étais comme une dingue ici et j’avais très envie de partager ça avec mon père. Je me souviens très bien de la deuxième fois où je me suis produite à Montreux. J’étais enceinte. Ce sont des marqueurs importants dans une vie et quand on revient on se dit qu’on a fait du chemin, qu’on est plus la même personne qu’il y a quelques années.
Il y a quatre ans, sur scène, vous étiez assise derrière votre piano. Aujourd’hui, vous montez dessus en tenue disco!
(Rires.) Je me suis métamorphosée grâce à l’album «Brûler le feu», grâce à la manière dont on l’a mis en scène, dont on l’a orchestré en live, grâce au public. C’est bon signe: ça veut dire que vieillir, ce n’est pas juste se ratatiner. On peut aussi s’épanouir.
Et la naissance de votre enfant, il y a quatre ans, a dû jouer un grand rôle.
C’est sûr, ça m’a donné une force folle.
L’an dernier, vous aviez emmené votre fils sur la tournée des festivals. C’est encore le cas cette année?
Cette fois, je le laisse un peu tranquille. (Rires.)
Quel est votre rituel pour écrire des chansons?
Quand je suis en période de composition, je regarde beaucoup de films, notamment, et j’écris des phrases qui m’interpellent sur des bouts de papier et je les mets autour de moi. Je me mets à composer au piano, et parfois il y a des mots qui lancent une chanson. Parfois, c’est une mélodie. Je laisse l’alchimie se faire.
«Le dernier jour du disco», c’est une phrase écrite sur un post-it?
Oui. Mon frère m’avait envoyé des accords, des couplets en chromatique. C’était beaucoup plus lent. Il y avait cette formule «Le dernier jour du disco» qui était sous mes yeux, je venais de perdre quelqu’un que j’aimais beaucoup et ça a fait une étincelle. La chanson a été écrite en deux heures. J’ai gardé la voix que j’avais sur la maquette et, en studio, on n’a jamais pu retrouver cette intensité.
C’est cette chanson qui a fait naître la touche du disco de votre album?
C’était une évidence que je devais revenir avec cette chanson. Pour ce qu’elle raconte, pour les textures sonores, pour l’énergie qu’elle dégage, pour le fait qu’elle commence piano voix et qu’elle s’emballe. «Le dernier jour du disco» raconte une transition dans mon travail.
C’est un disque qui, suivant l’écoute peut être très joyeux ou très triste.
(Elle sourit.) C’est beau de dire ça, merci. Tant mieux que cet album puisse avoir une couleur multiple. C’est le fruit de toutes les émotions que j’ai pu traverser. Il ne faut pas choisir son camp, il faut rester ambigu.
Vous parliez des post-it qui sont à la base de «Brûler le feu». Si on va dans votre loge, on va en trouver qui donneront naissance à votre nouvel album?
Non. Je ne suis pas du tout du genre à composer en tournée. J’ai trop de plaisir à vivre une journée avec mes musiciens. La composition, c’est un monastère, être seule. Je pense que tout ce que j’ai vécu là, il va falloir du temps pour que ça se décante, pour que les paillettes retombent au sol. Un disque c’est raconter qui on est maintenant, après tout ça. Il faut avoir le courage de fermer une porte et de repartir sur une page blanche. C’est une nouvelle aventure à part entière.
Vous avez déjà réservé votre monastère pour septembre, quand la tournée se termine?
Pas du tout. Ce sera dodo, voir la famille, voir mon mec.