Les dessous des combines d’Uber dans monde et en Suisse

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Pratiques illégalesLes dessous des combines d’Uber dans le monde et en Suisse

Le décorticage de milliers de documents concernant la société californienne montre que celle-ci avait délibérément choisi de s’installer au mépris des lois. En Suisse aussi.

Eric Felley
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Eric Felley
Pour se développer dans le monde, la société Uber a choisi de passer en force.

Pour se développer dans le monde, la société Uber a choisi de passer en force.

Getty Images/iStockphoto

Les «Uber Files», ces milliers de documents qui ont fuité cet été vers le journal britannique «The Guardian», continuent d’alimenter les révélations autour de la politique d’implantation de la société californienne Uber et son système de transports de personnes. Samedi, «La Tribune de Genève» relevait que Pierre Maudet, alors en charge de l’économie à Genève, avait dans un premier temps considéré ce système comme illégal, puis ce serait ravisé dans un arrangement confidentiel avec des responsables d’Uber. La société pouvait poursuivre ses activités dans certaines limites, notamment en renonçant au lancement de l’application UberPop, qui fait appel à des chauffeurs amateurs.

Décision cruciale du TF en 2022

Pierre Maudet, à nouveau candidat aux élections genevoises d’avril, a fait savoir qu’il reste soumis au secret de fonction quant à ces faits. Il estime toutefois que les décisions prises à l’époque étaient soutenues par l’ensemble du Conseil d’État. Quoi qu’il en soit, il aura fallu attendre juin 2022, pour que le Tribunal fédéral se prononce sur le nœud du problème, soit le statut des collaborateurs d’Uber. Et il a donné raison au canton de Genève. La société «doit respecter les obligations légales, en particulier celles relatives à la protection sociale des chauffeurs et aux conditions de travail en usage dans leur secteur d’activité».

«Se lancer sans demander la permission»

Cette décision du TF est tombée neuf ans après l’arrivée d’Uber en Suisse en 2013. «Le Matin Dimanche» revient sur son implantation en Suisse, en particulier sur son lobbyisme intensif auprès de l’administration, des politiciens ou des juristes pour obtenir la déréglementation du transport de personnes. Il cite l’ancien lobbyiste d’Uber, Mark McGann, à l’origine des fuites vers «The Gardian»: «La devise de l’entreprise, dit-il, était de se lancer sans demander la permission». En Suisse aussi.

Lobbyisme à Berne

Pour contrer le mécontentement des acteurs traditionnels du transport, en particulier les taxis, Uber a cherché surtout à entretenir un flou juridique. En Suisse, elle s’est offert les services de cabinets conseil onéreux et influents autour de la Berne fédérale. C’est ainsi qu’en 2014 déjà, un postulat de Carlo Sommaruga (PS/GE) sur la légalité des activités de la plateforme a été botté en touche par le Conseil fédéral. En 2016, c’est Fathi Derder (PLR/VD) qui a été approché par Uber. Il a déposé en 2016 une motion visant à «adapter la législation suisse sur la circulation routière aux nouvelles offres numériques», qui a passé dans les deux Chambres.

90 millions pour du lobbyisme

Dans l’interview de Mark McGann, publié par «Le Matin Dimanche», ce qui frappe, ce sont les moyens extraordinaires dont a disposé la plateforme pour lancer son produit dans de nombreux pays. «Nous recevions des milliards de dollars de société de capital-risque, se souvient-il. Nous dépensions 90 millions de dollars chaque année en lobbying pour faire pression sur les gouvernements du monde entier. (…) Mais dans la plupart des pays, il était illégal de venir concurrencer le monopole des taxis en place. Nous avons utilisé l’argent des investisseurs pour forcer le passage».

Uber a changé

«Le Matin Dimanche» publie la position d’Uber face à ces révélations. Elle précise que sa culture d’entreprise aurait fondamentalement changé depuis 2017, après le départ du fondateur Travis Kalanick et l’arrivée du nouveau patron, Dara Khosrowshahi. L’entreprise rappelle qu’elle a mis fin à son service UberPopc, il y a cinq ans déjà. Aujourd’hui, seuls les professionnels peuvent conduire ses véhicules. Ceux-ci auraient cependant le choix entre être salariés de l’entreprise ou demeurer indépendants. La polémique n’est donc pas encore totalement éteinte.

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