BD - Un nouveau Corto Maltese qui a tout pour séduire

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BDUn nouveau Corto Maltese qui a tout pour séduire

Bastien Vivès et Martin Quenehen revisitent le héros de Pratt en changeant l’époque et le style mais en respectant totalement l’esprit. Une réussite!

Michel Pralong
par
Michel Pralong

La bande-annonce d’«Océan noir».

Casterman/YouTube

Depuis le décès d’Hugo Pratt en 1995, son héros le plus célèbre, le marin Corto Maltese, a déjà connu une renaissance. Depuis 2015, le scénariste Juan Diaz Canales et le dessinateur Rubén Pellejero ont repris les aventures du personnage le plus charismatique de la BD. Ils l’ont fait en respectant à la fois l’époque à laquelle Pratt a fait vivre son héros ainsi que le graphisme du maître italien. Cela ressemble très fortement à du Corto mais, à notre avis, ce n’est pas du Corto.

Les deux auteurs en ont fait un héros trop traditionnel, à qui manque ce détachement, cet air de ne pas y toucher et cette langueur qui font du marin un personnage sans équivalent dans la BD. Et puis il y a ce rythme, propre à Pratt, celle lenteur contemplative, si difficile à reproduire.

Corto en 2001

Aujourd’hui, ce sont le dessinateur Bastien Vivès et le scénariste Martin Quenehen qui proposent leur interprétation, sans doute limitée à un seul album, du mythe créé par Pratt. En bouleversant les règles. Corto Maltese évolue dans «Océan noir» en 2001, les attentats du 11 septembre jouant un certain rôle dans le récit. Il n’a plus sa casquette d’officier de la marine mais une de baseball. Et, surtout, Vivès conserve son propre graphisme sans songer à imiter celui de Pratt.

Cela ne ressemble donc pas à du Corto mais c’est pourtant du pur Corto et surtout un excellent Corto. Tout y est: les voyages, la chasse au trésor, un peu d’action, beaucoup de détachement, un ton, un rythme, des dialogues, presque carrément un parfum, du Pratt sans en être. Et surtout, comme Vivès l’a bien remarqué, Corto est l’un des personnages masculins les plus sexy de la BD. Le dessinateur parvient, bel exploit, à le montrer séduisant à chaque case.

Des femmes et du nu

Son trait diffère de celui de Pratt, mais en a la même légèreté, la même économie pour un maximum d’effet. Le Raspoutine version Vivès, c’est quelque chose! Et puis il y a les femmes, incontournables dans l’œuvre de Pratt et dans la vie de Corto. Vivès adore les dessiner, souvent nues, toujours pulpeuse. Là aussi il ose, ce que Pratt s’est rarement aventuré à faire, lors d’une belle scène en mer qui laisse suggérer une vague de plaisir à venir. Et ça ne détonne pas du tout. Avec ce dialogue sublime au moment de la séparation, Corto lui disant: «Finalement, trouver la tête d’or (le trésor qu’ils cherchent, ndlr) ne t’intéresse pas?». Et elle lui répondant: «Il n’y a que ta tête qui m’intéresse Corto. Et elle est toujours ailleurs». Corto est passé par là et encore une fois, disparaîtra, comme une ombre qui s’efface, comme une légende portée par le vent. Laissant au lecteur ce sentiment de nostalgie, comme savait si bien le faire Pratt.

«Corto Maltese: Océan noir», de Bastien Vivès et Martin Quenehen, Éd. Casterman, 184 pages.

«Corto Maltese: Océan noir», de Bastien Vivès et Martin Quenehen, Éd. Casterman, 184 pages.

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