BangladeshDes ouvriers du textile en colère attaquent des dizaines d’usines
Au Bangladesh, les syndicats réclament un salaire trois fois plus haut, à près de 190 francs par mois. Les heurts ont fait un mort. De grandes marques appellent le gouvernement à négocier.
Au Bangladesh, une personne est morte et des dizaines d’usines ont été attaquées, lundi, lors de manifestations de milliers d’ouvriers de l’industrie textile pour de meilleurs salaires. Les revendications portent sur un quasi-triplement du salaire minimum dans ce secteur clé de ce pays d’Asie du Sud-Est, l’un des plus grands exportateurs de vêtements au monde.
Au moins 10’000 ouvriers ont quitté leur poste et manifesté dans la ville industrielle de Gazipur, 7000 autres sont descendus dans la rue à Ashulia et Hemayetpur, toutes trois proches de la capitale Dacca, a indiqué la police, qui a fait usage de gaz lacrymogènes.
Le dirigeant du Syndicat de l’habillement de la région d’Ashulia, Mohammad Ibrahim, a contesté ces chiffres et estimé les manifestants à au moins 100’000 au total. «Les manifestants ont vandalisé les usines et tenté de forcer les ouvriers à les rejoindre», a déclaré Sarwar Alam, chef de la police de la zone industrielle à Gazipur, ajoutant qu’au moins 40 usines avaient été endommagées. «Un travailleur de l’habillement a été blessé durant les affrontements; il est mort alors qu’il était transporté à l’hôpital.»
Les manifestants ont brisé des vitres et endommagé des meubles. «Ils ont lancé une pluie de cailloux sur nos hommes, et certains policiers ont été blessés. Nous avons tiré des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes pour disperser les travailleurs», a poursuivi le responsable de la police.
Violents heurts et camionnettes brûlées sur une autoroute
Les incidents les plus graves ont eu lieu sur une autoroute au nord de la capitale Dacca, vers Mymensingh, où, selon des policiers, 4000 personnes ont affronté les forces de l’ordre, bloquant la route et mettant le feu à des camionnettes. Le Bangladesh abrite 3500 usines textiles, mais le salaire mensuel de base des ouvriers n’est que de 8300 takas (à peu près 68 francs).
Des manifestations ont éclaté ce week-end, après que la puissante organisation des fabricants textiles a proposé une augmentation de 25% du salaire minimum, alors que les syndicats réclamaient 23’000 takas (188 francs).
L’industrie textile représente 85% des 55 milliards de dollars d’exportations annuelles du pays et a fortement contribué à la croissance des revenus de la population. Mais les protestations salariales constituent un défi majeur pour le gouvernement de la Première ministre Sheikh Hasina, au pouvoir depuis une quinzaine d’années.
Gap, Levi Strauss ou Patagonia ont écrit au gouvernement
«Les travailleurs ont été durement touchés par la crise du coût de la vie», a déclaré Taslima Akter, présidente du syndicat Garment Sramik Samhati. Du fait de l’inflation et de la dépréciation de la monnaie locale, les ouvriers gagneraient moins en termes réels que ce qu’ils touchaient en 2017, avec l’augmentation proposée, a-t-elle noté.
De grandes marques, dont Gap, Levi Strauss, Lululemon et Patagonia, ont écrit au gouvernement, mi-octobre, pour demander une issue satisfaisante aux négociations sur les salaires, pour qu’ils assurent «les besoins fondamentaux des travailleurs» et des revenus complémentaires.
Manifestations fréquentes
Les manifestations contre les faibles salaires et les mauvaises conditions de sécurité au travail sont fréquentes au Bangladesh. En 2006, des protestataires avaient mis le feu à seize usines au moins lors de manifestations contre les bas salaires, qui avaient fait plusieurs morts. De grandes manifestations ont aussi eu lieu en 2013, après l’effondrement du bâtiment de l’usine Rana Plaza, qui avait fait au moins 1134 morts.