PédocriminalitéLe pape exprime sa «honte» après le rapport Sauvé
Au lendemain de la publication d’un rapport dénonçant la pédocriminalité dans l’Église catholique française, le pape a répété sa «honte» à plusieurs reprises.
Le pape François a exprimé mercredi au Vatican «sa honte», répétant plusieurs fois ce mot en présence d’évêques français, au lendemain de la publication d’un rapport accablant sur la pédocriminalité au sein de l’Église de France.
«Je désire exprimer aux victimes ma tristesse, ma douleur pour les traumatismes subis, et aussi ma honte, notre honte, ma honte pour une trop longue incapacité de l’Église à les mettre au centre de ses préoccupations», a-t-il affirmé au cours de son audience générale hebdomadaire.
«Je prie, et prions tous ensemble, à toi Seigneur la gloire, à nous la honte. C’est le moment de la honte», a insisté le pape argentin. Évoquant «une épreuve dure mais salutaire», il a appelé «les catholiques français à assumer leurs responsabilités pour que l’Église soit une maison sûre pour tous».
Avant le début de l’audience générale, quatre évêques français présents au Vatican ont prié en silence avec le pape François: Mgr Gobilliard, évêque auxiliaire de Lyon, Mgr Yves Le Saux, évêque du Mans, Mgr Laurent Dognin, évêque de Quimper et Léon et Mgr Pierre-Yves Michel, évêque de Valence.
Les quatre évêques, qui étaient à Rome dans le cadre d’un pèlerinage, avaient prévu de longue date d’assister à cette audience. Averti de leur présence, le pape les a invités juste avant qu’il n’entre dans la grande salle Paul VI.
«Le pape, l’air grave, nous a invités à prier ensemble en silence pour les victimes. Compassion et silence, tels étaient les deux seuls mots du pape», a confié après coup Mgr Gobilliard, cité par l’agence de presse i.media.
Au cours de l’audience, François s’est tourné vers les quatre évêques français au moment d’appeler tous les responsables religieux «à poursuivre tous leurs efforts pour que de tels drames ne se reproduisent plus».
216’000 victimes
Une commission indépendante, qui a enquêté sur l’ampleur de la pédocriminalité dans l’Église catholique de France, a publié mardi ses conclusions accablantes, estimant à 216’000 le nombre d’enfants et d’adolescents victimes de clercs et de religieux depuis 1950.
Si l’on ajoute les personnes agressées par des laïcs travaillant dans des institutions de l’Église (enseignants, surveillants, cadres de mouvements de jeunesse…), le nombre grimpe à 330.000, a indiqué son président, Jean-Marc Sauvé, en dévoilant les conclusions de la Commission indépendante sur les abus dans l’Église (Ciase).
Dès mardi, le porte-parole du Vatican avait réagi à ces informations, évoquant l’«immense chagrin» du pape. «Ses pensées se tournent en premier lieu vers les victimes, avec un immense chagrin pour leurs blessures et de la gratitude pour leur courage de dénoncer. Elles se tournent aussi vers l’Église de France, afin que, ayant pris conscience de cette effroyable réalité (…) elle puisse entreprendre la voie de la rédemption», avait déclaré le porte-parole du Vatican, Matteo Bruni.
L’épiscopat va mettre une aide financière en place
L’«ensemble des fidèles» doit se sentir «concerné» par le financement de l’aide financière que l’épiscopat entend mettre en place à destination des victimes de pédocriminalité dans l’Église catholique, a déclaré mercredi le président de la Conférence des évêques de France (CEF).
«Nous devons d’abord aux victimes de reconnaître qu’elles sont victimes, que la faute n’est pas de leur côté mais du nôtre (…) Depuis 2018, nous avons décidé entre évêques qu’il y aurait une dimension financière», a déclaré Eric de Moulins-Beaufort sur Franceinfo, au lendemain de la remise du rapport Sauvé. En mars dernier, les évêques catholiques ont décidé le versement d’une «contribution financière», financée par un fonds de dotation doté de 5 millions d’euros abondé par les dons des évêques, des prêtres et des fidèles.
Dans son rapport, fruit de deux ans et demi de travaux, le président de la commission, Jean-Marc Sauvé, a appelé l’institution à apporter une «réparation» financière à toutes les victimes de violences sexuelles en son sein, «en fonction des préjudices subis», sans faire appel aux fidèles.
«J’espère qu’un certain nombre de fidèles voudront bien nous aider à faire cela», a déclaré le président de la CEF. L’enjeu c’est que l’ensemble des fidèles se sentent concernés, pas coupables (…) mais nous portons ensemble (…) la responsabilité de ces personnes, de leur apporter toute l’aide nécessaire», a-t-il dit. Les conclusions du rapport de la commission Sauvé ont été perçues comme un constat «accablant» accueilli avec «honte» et «effroi» par la Conférence des évêques. «Nous n’avons pas su entendre cette souffrance, l’Église dans son ensemble n’a pas senti, pressenti cette masse de souffrance.», a estimé Eric de Moulins-Beaufort, président du CEF et archevêque de Reims. Par ailleurs, il a déclaré que la confession devait rester «secrète» car elle couvrait un «espace de parole libre». «Le secret de la confession s’impose à nous et en cela il est plus fort que les lois de la République», a-t-il ajouté.
Dans ses recommandations, la commission Sauvé appelle les autorités de l’Église à relayer un message clair indiquant aux confesseurs et aux fidèles que le secret de la confession ne peut déroger à l’obligation, prévue par le Code pénal, de signaler aux autorités judiciaires et administratives les cas de violences sexuelles infligées à un mineur ou à une personne vulnérable.