FranceLe procès du 13-Novembre évoque le sort des orphelins des attentats
Ayant perdu un parent ou éprouvant la peur d’en perdre un: beaucoup d’enfants victimes «indirectes» des attentats du 13 novembre 2015 grandissent de «façon bancale», selon leurs avocates.
Le sort des enfants orphelins, «victimes du terrorisme», a été, lundi, au cœur des plaidoiries d’une demi-douzaine d’avocats de parties civiles au procès des attentats du 13-Novembre, qui ont fait 130 morts à Paris et en banlieue. «Deux syllabes. Deux syllabes, Papa, Maman, que 69 enfants ne prononceront plus jamais», a rappelé à la barre l’avocate Helena Christidis, citant les noms d’Iris, Hector, Mathilde, Emilie, Micha, Tamia, Kevin, Sami, Elsa et plusieurs autres, «victimes par ricochet» des attentats.
Sur l’écran de la salle d’audience de la Cour d’assises spéciale de Paris, défilent des dessins montrant les cauchemars de ces enfants privés de parents. Un des dessins représente un enfant, les yeux grand ouverts, la nuit, dans un lit, seul avec le parent survivant. Au-dessus et au-dessous du lit flottent des fantômes.
Sous anxiolytiques
Pour ces enfants, «fini les anniversaires, les bougies, les instants d’amour, les fêtes des mères, des pères». L’avocate évoque l’effacement progressif des souvenirs heureux, le son des voix aimées et les odeurs familières qui s’estompent. On grandit, mais «de façon bancale». Il y a aussi, poursuit-elle, la peur de perdre l’autre parent ou l’incompréhension des copains – «Ça fait six mois maintenant que ton père est mort, tu peux arrêter de faire la tête?» –. «C’est si destructeur que certains, à ce si jeune âge, sont déjà sous anxiolytiques…»
Au cours du procès, commencé le 8 septembre 2021, on a entendu plusieurs témoignages de jeunes gens ayant perdu un ou leurs deux parents et de mère ou père ayant perdu leur compagnon ou leur compagne. À chaque fois, ce furent des récits douloureux, évoquant des blessures jamais cicatrisées.
«Les enfants du 13 novembre 2015 sont tous des victimes, des victimes par retardement», explique Léa Capiaux, avocate de Milan, 10 ans à l’époque, et de son père venus ensemble dans la salle de concert du Bataclan, attaquée par des djihadistes. Milan, dont c’était «le premier concert», et son père ont survécu au massacre, mais les séquelles demeurent intactes. «Il aurait dû découvrir la musique. Il a découvert la terreur. La peur de voir son père mourir. Cette soirée a bouleversé son enfance. Leur vie est bouleversée à jamais», insiste l’avocate.
«Être enfant victime du terrorisme, c’est un mois et demi sans câlin de ce père qui a peur de la mort. C’est faire des dessins de ses parents avec des visages tristes et apeurés, pleins de stupeur», résume une avocate.
Même les enfants des accusés
Dans sa plaidoirie, Helana Christidis n’oublie pas l’avenir incertain des enfants des accusés et de ceux, enfants de djihadistes, enfermés dans les camps en Syrie. «Oui, messieurs les accusés, vos enfants n’ont pas demandé à naître dans ce monde. Dans ce monde que vous avez choisi. Que vous avez empli de terreur», dit l’avocate en se tournant vers des accusés qui écoutent, tête baissée.
Les plaidoiries des avocats des parties civiles, qui ont choisi de mutualiser leur temps de parole autour de thématiques, doivent se poursuivre jusqu’à la fin de la semaine. Le verdict est attendu le 29 juin.