Football: Djurovski: «J’ai peur que certains viennent provoquer Xhaka»

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FootballDjurovski: «J’ai peur que certains viennent provoquer Xhaka»

On a rencontré à Belgrade l’ex-Servettien Bosko Djurovski, légende de l’Étoile Rouge. Il évoque le Biélorussie-Suisse qui se joue en Serbie samedi.

Daniel Visentini Belgrade
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Daniel Visentini Belgrade
Bosko Djurovski devant le tank des ultras de l’Étoile Rouge, qui trône à côté du «Marakana», le stade. Belgrade est juste derrière lui.

Bosko Djurovski devant le tank des ultras de l’Étoile Rouge, qui trône à côté du «Marakana», le stade. Belgrade est juste derrière lui.

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La voix est toujours feutrée, cassée et chaleureuse à la fois. À 61 ans, Bosko Djurovski n’a pas changé. Il incarnait une élégance naturelle sur le terrain d’abord, en tant qu’entraîneur ensuite, et il demeure habité de cette gentillesse naturelle. À Belgrade, il est venu nous accueillir directement à l’aéroport, avant un repas improvisé avec des amis.

On lui a fait part de notre volonté de parler de cet étrange match au programme samedi. Un Biélorussie-Suisse qui aura lieu en Serbie, à Novi Sad. Des tensions qui opposent le pays hôte à la Suisse et notamment à Granit Xhaka. Des risques qui peuvent exister dans un contexte politique tendu entre le Kosovo et la Serbie.

Bosko Djurovski, coordinateur sportif entre l’académie et l’équipe pro d’Étoile Rouge, a immédiatement dit oui. Macédonien d’origine, il vit à Belgrade depuis toujours ou presque. D’abord: la curiosité et la pesanteur de cette rencontre, la première pour la Suisse dans les qualifications pour l’Euro 2024 en Allemagne.

«La Serbie était un des seuls pays qui pouvait accueillir les matches à domicile des Biélorusses.»

Bosko Djurovski, ex-joueur de Servette

«Eh bien la Serbie fait partie des rares pays qui n’ont pas pris des sanctions contre la Russie pour avoir déclenché la guerre en Ukraine, rappelle-t-il. La Biélorussie soutient Poutine… Alors la Serbie était un des seuls pays qui pouvait accueillir les matches à domicile des Biélorusses, puisque l’UEFA oblige ceux-ci à jouer à l’extérieur de leur pays et à huis clos.»

Le soutien à la Russie

On se balade avec lui dans la capitale. Il montre le nouveau Belgrade qui élève des immeubles neufs dans un quartier qui émerge. Il montre aussi ces bâtiments en ruine, vestiges du passé, cicatrice à vif dans le cœur de la ville suite aux bombardements de l’OTAN en 1999. Laissée telle quel. Volontairement.

«Ici, 80% des gens supportent la Russie.»

Bosko Djurovski, ex-joueur de Servette

«Ce souvenir est encore très présent ici, explique-t-il. Alors l’OTAN, l’Europe, le regard occidental sur la Serbie… Ici, 80% des gens supportent la Russie. Pour eux, ce qui se passe en Ukraine est normal, puisqu’il y a des populations russophones en Ukraine.»

Le «Marakana» de l’Étoile Rouge de Belgrade. Avec la société russe Gazprom comme l’un des sponsors principaux.

Le «Marakana» de l’Étoile Rouge de Belgrade. Avec la société russe Gazprom comme l’un des sponsors principaux.

DR

Un peu plus loin, place de la République, Bosko Djurovski pointe du doigt la statue du prince Michel, à cheval. «C’est là que grimpent les supporters de l’Étoile Rouge pour fêter les titres. Ici, le mouvement ultra, c’est quelque chose», s’amuse-t-il. Le mouvement c’est Delije (les hommes braves, les hommes forts, les héros). Ses membres sont redoutés. Ils soutiennent les Russes, sont nationalistes. De quoi peser sur la venue de la Suisse en Serbie, une Suisse qui a pour capitaine Granit Xhaka, originaire du Kosovo que l’État serbe refuse de reconnaître?

Crainte de débordements

«J’ai peur que certains viennent provoquer Xhaka, oui, admet Djurovski. J’ai peur que certains extrémistes profitent de la venue de la Suisse pour tenter de poser des problèmes à Granit Xhaka. Il y a un passif entre la Serbie et la Suisse, on le sait bien, après 2018 et 2022. Et certains Serbes sont fâchés contre la Suisse et Xhaka pour ça.»

«Même si la rencontre contre la Biélorussie aura lieu à huis clos à Novi Sad, je ne suis pas sûr que cela empêchera certains éléments nationalistes de se manifester.»

Bosko Djurovski, ex-joueur de Servette

Pour l’ex-défenseur de Servette, pas de danger majeur. Mais une crainte sourde. «Des petites démonstrations peut-être, des petites provocations, dit-il. Si la majorité ne posera pas le moindre souci à la Suisse quand elle va arriver à Belgrade ce vendredi, il peut y avoir des extrémistes qui ne veulent rien entendre, rien oublier. Peut-être que l’équipe de Suisse devra supporter cette pression. Ici en arrivant, à son hôtel ensuite ou lors du match, samedi. Même si la rencontre contre la Biélorussie aura lieu à huis clos à Novi Sad, je ne suis pas sûr que cela empêchera certains éléments nationalistes de se manifester.»

Le ton est donné. Mais pour le reste, sur un plan plus sportif, pas d’inquiétude de Djurovski pour l’équipe de Suisse. «La Suisse va gagner. Depuis vingt ans, il y a eu des progrès immenses faits à l’ASF et dans les clubs pour la formation. Un travail dans l’humilité, qui a porté ses fruits. Je sais de quoi je parle: j’ai passé la grande majorité de mes diplômes en Suisse, à Macolin.»

Prêt à entraîner à nouveau

Bosko Djurovski est titulaire du diplôme UEFA pro. Il est un fin technicien, comme sur le terrain. Et il pourrait bien vouloir reprendre du service, lui qui a entraîné en Suisse (adjoint au SFC) et au Japon, mais qui a aussi fêté un doublé coupe-championnat à la tête d’Étoile Rouge en 2007.

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