FranceUne femme transgenre a été déclarée mère
Mercredi, la justice française a donné gain de cause à un homme qui avait changé de sexe pour devenir une femme, mais avait eu un enfant avant sa transition.
Une Française transgenre a obtenu gain de cause en justice mercredi: reconnue femme à l’état civil, Claire* peut désormais figurer comme mère sur l’acte de naissance de sa fille conçue avant son opération, une première en France. «C’est une victoire totale dans cette bataille. Ce n’est pas le seul enfant concerné, c’est une décision qui ouvre un nouvel horizon, qui va détendre beaucoup de parents et de futurs parents», a déclaré à l’AFP son avocate Clelia Richard, après la décision de la cour d’appel de Toulouse, dans le sud-ouest du pays.
Depuis 2014, Claire, aujourd’hui âgée de 52 ans, de sexe féminin sur sa carte d’identité et parent biologique, se heurtait à un vide juridique: elle ne figurait pas sur l’acte de naissance de sa fille, l’officier d’état civil ayant refusé de l’y inscrire comme mère. «La cour d’appel de Toulouse autorise la mention sur l’acte de naissance de l’enfant, de l’époux devenu femme en qualité de mère», considérant «que deux filiations maternelles pouvaient en l’espèce être établies», selon un communiqué diffusé mercredi.
Une résonance dans le droit
Cette décision met fin à huit ans de procédure. La cour d’appel de Montpellier (Sud) avait déjà innové en 2018 et tranché en faveur de l’inscription de la notion de «parent biologique», un pas toutefois jugé insuffisant par la famille. En outre, en 2020 la Cour de cassation avait renvoyé le dossier vers la cour d’appel de Toulouse, jugeant que le terme «parent biologique» n’était pas compatible avec le droit français.
Claire, reconnue femme à l’état civil en 2011, avait conçu avant d’être opérée un enfant avec son épouse, le troisième du couple, une fille née en 2014. Depuis, elle réclame son inscription en tant que «mère» sur les registres de l’état civil. À ce jour, seule son épouse figure comme parent sur l’acte de naissance de l’enfant.
Dans son arrêt, la cour d’appel de Toulouse a rappelé que «l’époux d’un couple hétérosexuel ayant déjà donné naissance à deux enfants, a changé de sexe tout en conservant son appareil reproductif masculin. Un nouvel enfant est né du couple, après le changement d’état civil du mari devenu femme».
«Elle a deux mamans depuis qu’elle est née»
«C’est dans l’intérêt de l’enfant, ça correspond à sa vérité sociale, elle a deux mamans depuis qu’elle est née (…) C’est important que son acte de naissance corresponde à sa réalité sociale», a estimé pour sa part Me Nolwenn Jaffre, avocat de l’administrateur ad hoc de la fille de Claire et Marie*. Pour figurer en tant que mère, l’état civil avait conseillé à Claire de passer par une procédure d’adoption, inacceptable pour elle, étant donné qu’elle a conçu l’enfant.
À l’issue de l’audience à huis clos devant la cour d’appel de Toulouse en décembre dernier, Claire avait confié sa lassitude d’expliquer dans chaque juridiction ce qui pour elle est une évidence. «Je suis sa mère depuis sa naissance. Je suis la première à l’avoir prise dans mes bras, elle m’appelle «maman», déclarait-elle alors.
Rejet d’une demande
Le procureur général, Franck Rastoul, a souligné que Claire «avait eu plusieurs enfants à des périodes différentes de sa vie, deux alors qu’elle était homme, un alors qu’elle était devenue femme», estimant que «le choix du sexe du parent n’est plus tributaire de la fonction de reproduction, mais de l’état civil et de l’identité de genre».
Dans son arrêt, la cour a en revanche rejeté la demande du ministère public d’une mention relative au changement de sexe de Claire sur l’acte de naissance de sa fille. Elle a estimé que cela «porterait une atteinte disproportionnée aux droits au respect à la vie privée» de l’enfant et de sa mère.
(*) Prénom modifié à la demande du couple