Bande dessinée: l’angoisse de l’astronaute avant de partir vers l’infini

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Bande dessinéeL’angoisse de l’astronaute avant de partir vers l’infini

Lisa Blumen a concocté l’histoire épatante d’une jeune femme obligée de faire une fête d’adieu avant de quitter définitivement la Terre. Et ça la traumatise.

Michel Pralong
par
Michel Pralong

L’idée est excellente: Nova est une jeune femme qui a tout donné pour devenir astronaute. Gagné, c’est elle qui est choisie pour être envoyée seule vers une planète située à 2,5 millions d’années-lumière. Un voyage sans retour, évidemment. Sauf que le contrat stipule qu’elle doit organiser une fête d’adieu avec ses proches, mais Astra n’en a pas. Car elle a la plus grande des qualités pour ce job: aimer la solitude.

Mais le règlement c’est le règlement, alors elle donne le nom de trois amis de collège qu’elle n’a pas revus depuis très longtemps. D’abord réticents, les trois acceptent car cela se déroule dans une villa de luxe… et c’est payé. L’historien, la drag-queen et la mère de famille vont donc passer la dernière nuit sur Terre de l’astronaute avec elle. La soirée semble mal partie, mais…

Comme la solitude de la dessinatrice

Le récit est extrêmement subtil, les protagonistes ont une vraie personnalité et la légèreté du dessin alliée aux couleurs fait d’Astra Nova un album très poétique. «J’en ai eu l’idée en travaillant sur ma précédente et première BD, «Avant l’oubli», nous explique Lisa Blumen En réalisant un album, on entre dans un tunnel et quand on en sort, on se rend compte que pendant ce temps, des amis se sont mariés, sont partis… Du coup, cela m’a fait réfléchir aux objectifs que l’on se fixe, au sens de ce que l’on fait».

Il lui fallait donc un personnage encore plus solitaire que la dessinatrice devant sa planche pour raconter ce sentiment et quoi de plus solitaire qu’un astronaute en mission solo. Curieusement, même si le thème et le titre de la BD font penser au film «Ad Astra» avec Brad Pitt seul dans l’espace, c’est un hasard: «Je ne l’ai pas vu, mais il faudra que je le fasse vu que tout le monde fait le parallèle».

Nova a arrêté sa vie, sociale du moins, quand elle s’est plongée corps et âme dans ses études. Est-ce que cela en valait la peine, a-t-elle manqué à ses amis, lui ont-ils manqué? «Quand je revois des amis que je n’avais pas vus depuis longtemps, je trouve qu’il y a toujours des choses qui restent, qui ne peuvent pas disparaître. L’amitié, ce n’est pas anodin».

Une villa modélisée dans les Sims

Pour ce huis clos, Lisa a choisi une villa moderne: «Il s’agit surtout de dialogues, donc il me fallait au moins la possibilité de varier les décors. J’ai modélisé une villa imaginaire dans le jeu «Les Sims». Et pour mieux cerner le caractère des personnages, je leur ai donné à chacun des signes astrologiques, même si je n’en parle pas dans le livre. Vous savez, du genre, tel signe est lumineux».

Une image subliminale revient sans cesse dans la tête de Nova: celle du radeau, comme les Vikings qui y posaient leurs défunts puis faisaient flamber le tout au large: «Cela faisait longtemps que j’avais cette image en tête, c’est une belle métaphore visuelle sur le rapport au deuil. Et puis, il faut avouer que c’est une manière fulgurante de partir, cela a de la gueule!»

L’album, sorti en mars, a été très bien accueilli par la presse et le public. «Qui est surtout féminin, je le vois en dédicaces. Tant mieux, ce n’est pas un public facile à toucher en BD. La rencontre avec les lecteurs et lectrices, ce n’est pas évident pour moi: passer de mois de silence à ma table à devoir parler avec une quarantaine de gens dans la journée, c’est difficile. Mais un monsieur est venu vers moi et m’a dit qu’après avoir lu ma BD, il a eu envie de voir des amis d’il y a longtemps, et que maintenant, ils se voient régulièrement. Cela m’a extrêmement touchée».

«Astra Nova», de Lisa Blumen, Éd. L’employé.e du moi, 176 pages

«Astra Nova», de Lisa Blumen, Éd. L’employé.e du moi, 176 pages

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