Jérôme Commandeur: un show âpre, cinglant, saignant… avec une caresse

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InterviewJérôme Commandeur: un show cinglant et saignant… avec une caresse

Adoré des télés, l’humoriste français est à voir le 20 novembre au Théâtre du Léman, à Genève

Laurent Flückiger
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Laurent Flückiger

Jérôme Commandeur, c’est le bon client des émissions de télévision, un visage plutôt marrant, les piques lancées au bon moment chez son copain Chabat à «Burger Quiz». Au cinéma, on l’a aperçu en inspecteur Lebic dans «Bienvenue chez les Ch’tis» en 2008 avant de le (re)connaître dans des rôles d’acteur de plus en plus importants, surtout dans des films légers. En 2022, il remporte le grand prix du Festival international du film de comédie de l’Alpe-d’Huez avec «Irréductible» et joue aussi le présentateur dans la série Canal+ «Le flambeau», suite de l’excellente «La flamme». 

Mais Jérôme Commandeur, c’est d’abord la scène. C’est d’ailleurs en tant qu’humoriste dans «Graines de stars» sur M6, entre 1997 et 1999, qu’il se fait un nom. On le retrouvera dans son one-man-show «Toujours en douceur» sur les planches du Théâtre du Léman le dimanche 20 novembre. Coup de fil.

Jérôme Commandeur, votre spectacle s’appelle «Tout en douceur». Rassurez-nous, vous ne vous êtes pas assagi quand même.

Les gens viennent toujours voir les one man shows pour mettre les doigts dans la prise. Je crois que la vocation première d’un spectacle d’humour c’est d’aller loin. En même temps, l’époque est tellement rapide, clivante, bouleversée à chaque instant, on ne voit plus l’ironie dans le titre et c’est presque un message de bienveillance dans un monde de brutes. J’aime bien avancer dans ces deux genres. Il faut que ce soit âpre, cinglant, même saignant mais qu’il y ait aussi une caresse. C’est comme au cinéma: on aime bien qu’à la fin les méchants se rachètent.

Qu’aimez-vous dans l’humour noir?

Ce n’est pas tant que l’humoriste aille loin. Certains le font juste pour la performance et généralement se prennent le mur. Ce qui m’intéresse, c’est quelqu’un qui a un point de vue. Et si c’est cinglant, comme le sont Gaspard Proust ou Blanche Gardin, c’est encore mieux. En interview, on me demande souvent si on peut rire de tout. On connaît la réponse de Desproges: «Oui, mais pas avec n’importe qui.» Moi, je me suis trouvé ma petite formule: n’importe qui ne peut pas rire de tout. Cela veut dire qu’il faut que ça vienne de quelqu’un qui maîtrise le sens de ce qu’il veut dire, qui sait où il veut nous emmener et qu’il le fasse avec détermination et douceur. Si vous montez sur scène et vous dites des choses affreuses, les gens sont dégoûtés. À raison.

Vous tapez sur qui dans «Toujours en douceur»?

Sur moi, d’abord, puis ça part dans tous les sens: nos gouvernants, Poutine, la reine, la pénurie d’électricité, les commentaires sur Internet, la mort, les émissions de télé, les affaires criminelles, les hôpitaux. 

C’est un spectacle que vous avez modifié durant la pandémie, n’est-ce pas?

Je suis parti en rodage courant 2017, c’est sûr que je ne peux pas arriver comme ça en 2022. D’autant plus que ce sont cinq années intenses. On a presque l’impression que c’est un scénario. Et encore, pas très probable. Je me suis un peu servi de mes années de radio et j’ai réécrit une vingtaine de minutes du spectacle pour qu’il apparaisse le plus frais possible.

Il est annoncé comme votre dernier tour de piste.

(Rires.) Ah non, c’est une connerie! Les artistes disent toujours que c’est le dernier pour essayer de ramasser un peu de gens sur le bord de la route. Et après ils reviennent, et on se jette dessus une nouvelle fois. Ce qui est vrai, c’est que j’aime bien alterner. Je vais sans doute retourner un film en tant que réalisateur, jouer en tant que comédien et revenir dans quelques saisons avec un nouveau spectacle.

«Rien qu’à la bande-annonce, on voit à quel point le prochain «Astérix» c’est immense dans le casting, dans l’ambition»

Jérôme Commandeur, comédien

Qu’est-ce que vous aimez dans le métier de réalisateurs de films?

Ce n’est pas si loin du one man show, où vous ne faites que manipuler les images, vous travaillez le visuel mental des gens. Le réalisateur manipule les images concrètement: il les crée, les sonorise, les étalonne, dirige ses comédiens, etc. Il y a un côté faiseur d’histoires chez les deux. Et ce qui me plaît dans la vie, c’est de raconter des histoires.

Vous êtes Abraracourcix dans le prochain «Astérix et Obélix: l’Empire du Milieu», dont la bande-annonce est récemment sortie. Pourquoi Guillaume Canet, qui a dirigé le film, a-t-il pensé à vous?

Je ne sais pas. C’est un petit rôle, c’était quelques jours de tournage. Je peux vous dire pourquoi j’ai accepté. Parce que ce sera époustouflant. Rien qu’à la bande-annonce, on voit à quel point c’est immense dans le casting, dans l’ambition et j’étais donc très heureux qu’on me le propose.

On vous voit beaucoup sur les plateaux TV. Vous considérez-vous comme un bon client?

La promo TV, c’est un exercice qui s’acquiert. Peut-être qu’aujourd’hui je me sens plus capable de faire des choses absurdes comme d’aller sur le plateau de «Quotidien», rester trente secondes et partir. Quand on a tellement fait toutes ces émissions, on essaie de trouver des petites choses différentes.

On vous verra dans le «Late Show» que prépare Alain Chabat pour TF1, du 21 novembre au 2 décembre?

(Il réfléchit.) Il ne m’en a pas encore parlé. Je le vois pour un autre projet. C’est quelqu’un que j’admire depuis trente ans, il fait partie de mon panthéon.

Pour vous, c’est une grosse année 2022. Comment s’annonce la prochaine?

Je commence à lire des choses et à me demander sur quels projets je vais me diriger. Ça sera vraisemblablement du cinéma et de la plate-forme.

Et la présentation de la cérémonie des César, comme vous l’aviez fait en 2019?

Pourquoi pas. C’est une expérience que j’ai adorée. Je me suis senti très fier et très heureux.

Donc ce n’est pas vous?

Ah… Euh je ne peux pas vous le dire, je ne le sais pas.

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