CommentaireÀ quelle guerre la Suisse doit-elle se préparer?
«Qui veut la paix prépare la guerre!» Au Parlement, les débats ont été vifs sur la façon dont la Suisse devrait rebooster son armée. Mais la protection de la population est aussi primordiale.
- par
- Eric Felley
«Qui veut la paix, prépare la guerre…» Le conseiller national Damien Cottier (PLR/NE) a eu cette formule mercredi lors du débat sur l’agression contre l’Ukraine. Il a repris la locution latine qui a traversé les âges: Si vis pacem, para bellum. On n’avait pas entendu depuis longtemps un ton aussi guerrier dans l’hémicycle du Conseil national. Se préparer, c’est bien, mais pour quelle guerre?
La façon dont les Russes mènent leur invasion de l’Ukraine depuis trois semaines est particulièrement effrayante, en bombardant des zones résidentielles, des bâtiments publics, en ayant aucune considération pour les civils. Poutine et son armée mènent une «guerre conventionnelle» avec tous les ingrédients de la terreur, comme ils l’ont fait en Tchétchénie ou en Syrie. C’est une guerre totalement sale, devant laquelle on peut brandir en vain toutes les Convention de Genève, qui nous sont chères.
Nous serions écrasés en deux jours
Cette attaque a réveillé les partisans de l’armée suisse, qui exigent que la Suisse augmente rapidement ses investissements militaires. C’est une réaction logique, mais en même temps, on se demande que pourrait faire notre armée dans une guerre comme celle menée en Ukraine? Même avec le double d’hommes et le double d’armes, nous serions écrasés en deux jours, nos trois aérodromes militaires hors services et nos voies de communication bloquées.
Sang froid et sacrifice
De plus, nous serions tétanisés par une folie meurtrière à laquelle nous ne sommes, pour la grande majorité, nullement préparés. Les Ukrainiens, eux, se sont préparés. Ce qui frappe, c’est leur extraordinaire mobilisation pour défendre leur territoire et leur propension à sacrifier leurs vies. Il ne suffit pas d’avoir des armes pour gagner, il faut avoir du sang froid et la détermination d’y laisser sa peau. Est-ce que cela s’achète ou s’apprend?
Dans la configuration européenne, l’arrivée de l’armée russe par le sol jusqu’en Suisse paraît peu probable. Elle devrait se heurter d’abord à l’OTAN. Comme le dit justement Pierre-Alain Fridez (PS/JU), si l’armée russe parvenait à battre l’OTAN, elle ne devrait pas avoir de peine à battre l’armée suisse. Mais nous n’en sommes pas là.
La protection de la population
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire. Qui veut la paix, prépare la guerre… La Russie a placé la Suisse sur la liste des pays qui lui sont hostiles. Il faut donc être attentif sur les façons dont elle pourrait répondre concrètement à cette hostilité dans les temps à venir. Cela pourrait être des cyberattaques ou, dans l’optique du pire, des tirs de missiles avec un embrasement nucléaire en Europe.
Dans cette perspective, la priorité ne devrait pas être de commander de nouveaux chars et augmenter nos troupes pour participer à une guerre conventionnelle. La priorité doit être de renforcer la protection de population et de répondre à cette question: sommes-nous prêts à réagir vite et bien à toutes les éventualités?