Football – L’OM de Sampaoli, un voyage tactique inabouti

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FootballL’OM de Sampaoli, un voyage tactique inabouti

L’adversaire de Bâle en Ligue Europa Conférence vit une saison difficilement lisible sur le plan du jeu. Son entraîneur jongle avec les hommes et les systèmes, pour des résultats de moins en moins probants.

Brice Cheneval
par
Brice Cheneval
Jorge Sampaoli peine à établir une identité claire à son Olympique de Marseille. Le souhaite-t-il seulement?

Jorge Sampaoli peine à établir une identité claire à son Olympique de Marseille. Le souhaite-t-il seulement?

AFP

Il faut être devin ou s’en remettre au petit bonheur la chance pour prédire à quoi rassemblera la double confrontation entre Marseille et Bâle. Si les Rhénans peinent à dégager une identité tactique, leurs futurs adversaires n’avancent pas avec davantage de certitudes sur ce point.

La saison des Olympiens a ceci de paradoxal qu’ils sont installés sur le podium de Ligue 1 depuis trois mois sans que l’on sache dans quelle direction leur entraîneur souhaite les emmener. Les premiers doutes, apparus au cœur de l’automne, se sont progressivement transformés en crispation au fil de la déliquescence des résultats. Si bien que la défaite de dimanche face à Monaco (0-1) a été ponctuée d’une copieuse bronca du Vélodrome.

Un homme cristallise la majorité des tensions: Jorge Sampaoli. Lui sont reprochés une répétition de choix baroques: un onze titulaire perpétuellement remodelé ainsi que des joueurs alignés à des postes inhabituels. Bref, une philosophie de jeu fluctuante, au gré des adversaires, et difficilement lisible, pour une efficacité de plus en plus diluée.

Arrivé sur le banc il y a un an, l’Argentin traverse sa première période de turbulences. L’histoire avait pourtant bien commencé: précédé d’une flatteuse réputation de technicien offensif, auréolée de sa filiation avec Marcelo Bielsa - dont l’évocation suscite toujours autant de nostalgie à Marseille, celui qu’on surnomme «El Peludo» était parvenu à ragaillardir une équipe sans âme, qualification en Ligue Europa à la clé.

Un virage à 180 degrés

La montée en puissance s’est confirmée cet été, dans le sillage d’un mercato rondement mené. L’OM engrange 4 victoires et 3 nuls sur les 7 premières journées et se distingue par un football pétillant, proactif, où le mouvement est perpétuel. Quitte à s’exposer en défense. Un «bordel organisé», décrivent certains, volontairement déséquilibré mais vecteur d’émotions. Le Vélodrome adhère et crie son bonheur à chaque sortie.

Puis survient la réception de Lens, le 26 septembre. Un premier tournant. Ce jour-là, les failles de cet OM sont merveilleusement exploitées par les Nordistes, vainqueurs 3-2. La leçon est fracassante, à tel point que Jorge Sampaoli opère un virage à 180 degrés. Désormais, son équipe fera preuve de pragmatisme. Moins de spontanéité, plus de contrôle à la construction. L’objectif premier - mieux protéger l’arrière-garde - est atteint, mais l’attaque en pâtit. Oublié le grain de folie du début de saison, Marseille devient calculateur, minimaliste, froid.

Les résultats suivent dans un premier temps, malgré des performances irrégulières, ce qui conforte Sampaoli dans sa position. L'animation offensive est peu travaillée à l’entraînement. Le vainqueur de la Copa America 2015 - avec le Chili - s’en remet à la créativité de ses joueurs dans le dernier tiers. Ce qui, dans les faits, dépend essentiellement de Dimitri Payet. Le meneur de jeu français agit comme un baromètre: lorsqu’il va, l’OM va. C’était le cas jusqu’à Noël, où il prétendait au titre de MVP à mi-saison. Depuis, il semble tirer la langue et cela se ressent.

Sur leurs six derniers matches de Ligue 1, les Phocéens ont rencontré toutes les peines du monde à se montrer dangereux. Excepté le carton paranormal contre Angers (5-2), ils n’ont fait trembler les filets qu’à quatre reprises, dont un penalty de Payet et un exploit individuel de Milik. Plus inquiétant encore, leur solidité s’est envolée (9 buts encaissés sur la même période). Conséquence de ces deux facteurs combinés, l’OM n’avance plus et voit sa place sur le podium se fragiliser.

La situation actuelle était redoutée depuis des mois par une large partie des supporters. Car au-delà de sa volte-face identitaire, Jorge Sampaoli n’a pas facilité l’établissement de repères individuels et collectifs. C’est peu dire que l’Argentin est adepte du turnover. En 27 journées, il n’a reconduit qu’à deux reprises le même onze d’une rencontre à l’autre. Et ce n’est pas via le système qu’il apporte davantage de stabilité. La plateforme d’analyse Wyscout en recense pas moins de 11 utilisés rien qu’en championnat. Déboussolant. «Mes amis en Turquie me demandent parfois dans quel schéma on joue. Je leur réponds: «Laissez tomber» et je change de sujet», en rigolait l’ailier Cengiz Ünder au Canal Football Club, fin octobre.

À cela s’ajoutent des positionnements pas toujours compréhensibles: le défenseur central Luan Peres se retrouve régulièrement latéral, malgré des lacunes récurrentes. Tout comme Valentin Rongier, élégant milieu de terrain à l’origine. Pourtant impérial dans un rôle hybride de stoppeur-relanceur, William Saliba a lui aussi effectué quelques piges sur le côté. Les relayeurs Gerson et Mattéo Guendouzi, eux, ont souvent goûté au poste de piston. Sans parler de Dimitri Payet, que Sampaoli préfère en numéro 9.

Une curieuse gestion de l’effectif

Ce dernier, pour ne rien arranger, entretient une curieuse gestion des temps de jeu. Quand certains ont ses faveurs et soufflent rarement (Payet, Guendouzi, Kamara, Saliba, Peres, le gardien Pau López, voire Gerson), d’autres voient leurs occasions de s’exprimer réduites à peau de chagrin. Largement utilisés en début de saison, Leonardo Balerdi, Konrad De La Fuente et Amine Harit ont peu à peu disparu des radars. Mis de côté, Jordan Amavi a été poussé vers la sortie. Luis Henrique, lui, apparaît par intermittence.

Arkadiusz Milik constitue le cas le plus épineux. Revenu d’une longue blessure en octobre, l’attaquant polonais peine à retrouver son meilleur niveau. Ce qui lui vaut un soutien flou de Sampaoli. Dans les paroles comme dans son utilisation. Auteur d’un triplé contre Angers le 4 février, Milik a par exemple peu goûté de commencer sur le banc la semaine suivante, à Metz. «Il y a des choses que je ne comprends pas», avait-il réagi au micro de Prime Video. Nouveau tacle adressé à son entraîneur, trois semaines plus tard: «Sur les deux derniers matches, je n’avais pas joué et pour moi le rythme est très important, je me sens mieux quand je joue plus».

«Il y a des choses que je ne comprends pas»

Arkadiusz Milik, attaquant de l’OM, concernant les choix de Jorge Sampaoli

Taulier du vestiaire, Alvaro Gonzalez - sur lequel l’Argentin ne compte visiblement pas - a également étalé publiquement ses états d’âme. Steve Mandanda n’a pas encore choisi cette voie, mais la légende du club apprécie moyennement d’avoir été reléguée au rang de doublure sans obtenir d’explications.

Preuve que la méthode Sampaoli, en plus de désarçonner les observateurs, frustre aussi ses propres joueurs. 

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