Météo extrêmeAu Kenya, après une grave sécheresse, l’eau a tout balayé
Les récentes pluies torrentielles qui se sont abattues sur le pays d’Afrique de l’Est ont fait plus de 70 morts et des milliers de sans-abri.
Plusieurs jours après avoir vu sa maison submergée par les inondations dans l’est du Kenya, Fatuma Hassan Gumo est retournée sur place pour récupérer ce qui pouvait encore l’être dans les eaux boueuses: à peine quelques ustensiles de cuisine. «L’eau a tout détruit», constate Fatuma, bouleversée. «Ma vie est très dure en cet instant.»
Une crue soudaine de la rivière Tana, dans le comté de Garissa, frontalier de la Somalie, n’a laissé d’autre choix à la vendeuse de fruits de 42 ans et aux onze membres de sa famille que d’abandonner leur maison de boue séchée et de tôle ondulée pour se réfugier sur une portion de terrain épargnée par les eaux.
Fatuma et les siens font partie des milliers de sans-abri après les récentes pluies torrentielles qui se sont abattues sur le pays d’Afrique de l’Est et ont fait plus de 70 morts. La Corne de l’Afrique ne s’était pas encore relevée d’une sécheresse dévastatrice lorsqu’elle a été balayée par des pluies diluviennes liées au phénomène météorologique El Niño, qui ont provoqué d’importantes inondations, au Kenya, en Somalie et en Éthiopie notamment.
Quand manger devient un luxe
Dans un camp de déplacés installé en urgence dans le centre de Garissa, Mwana Juma Hassan se tient à côté de sa tente blanche, découragée. «Manger ici est devenu un luxe. Nous ne savons pas quand nous aurons notre prochain repas», se lamente-t-elle. Pour la quatrième fois en moins de 10 ans, les inondations ont forcé cette veuve de 37 ans à quitter sa maison. Et les dernières précipitations ont ravagé son champ de pastèques, sa seule source de revenus.
Sur place, quelque 500 sinistrés ont passé quatre nuits à tenter de dormir sous une pluie incessante et dans des vêtements détrempés, avant que la Croix-Rouge kényane ne fournisse des tentes, explique Amina Duke Gabuku, tisserande de 60 ans. «Comment un kilo de riz peut nourrir sept enfants?» lance-t-elle à propos des distributions de nourriture.
Les inondations ont frappé le comté de Garissa alors que ses quelque 800’000 habitants dépendaient déjà beaucoup de l’aide humanitaire pour se nourrir. Quatorze camps y ont été mis sur pied en deux semaines, qui abritent plus de 7000 personnes. Selon Mohamed Dubow, directeur des réponses d’urgence pour le comté, la situation pourrait devenir «hors de contrôle» si les pluies continuent dans les deux ou trois prochains jours.
Une crise de la faim
Dans le camp, Abubakar Maliyu Jillo, un fermier de 49 ans, dit redouter une crise de longue haleine qui l’empêcherait de subvenir aux besoins de ses quatre femmes et douze enfants. «C’est une crise de la faim», résume-t-il, expliquant avoir perdu dans les dernières intempéries un investissement de 300’000 shillings (env. 1720 francs) dans son exploitation.
Agences humanitaires et défenseurs de l’environnement appellent depuis des années à donner plus pour aider les pays en voie de développement à faire face aux conséquences dramatiques du changement climatique, auquel ils contribuent pourtant le moins à l’échelle de la planète.
«Ce cercle vicieux rend quasiment impossible pour ces communautés de maintenir les progrès économiques qu’ils ont pu enregistrer», assure Kunow Sheikh Abdi, directeur pour le Kenya de l’ONG américaine Mercy Corps. Le responsable du comté de Garissa, Mohammed Dubow, renchérit: «Nous sommes confrontés à deux périls, jour et nuit. Soit c’est la sécheresse, soit ce sont les inondations.»